Aurore Petit : le corps à l’ouvrage pour la fête du livre jeunesse

Pour sa 24e édition, la Fête du livre jeunesse de Villeurbanne abordera la lecture et le livre sous l’angle du corps, dans sa dimension vivante, joyeuse, et dans sa diversité. Pour ce faire, Elise Ternat, directrice artistique, et son équipe ont choisi Aurore Petit comme invitée d’honneur. En résidence à l’école Saint-Exupéry depuis le 26 septembre, l'illustratrice anime des ateliers d'éducation artistique et culturelle auprès de tous les élèves, avant une sortie de résidence festive prévue le 30 mars. Rencontre.
L'illustratrice Aurore Petit en résidence avec les élèves de l'école Saint-Exupéry

L'illustratrice Aurore Petit en résidence avec les élèves de l'école Saint-Exupéry

Illustratrice de livres jeunesse, Aurore Petit a fait du rapport au corps et aux sens un sujet central de son œuvre. Elle décline la thématique en questionnant le rapport à l’autre, comme dans La petite sœur est un diplodocus, les représentations du corps, notamment avec sa série Dolorès Wilson super-héroïne aux mille métiers, ou encore l’appropriation de l’objet livre, avec le concept des Livres à chanter.

Haute-savoyarde de naissance, Aurore Petit s’est lancée dans le dessin et l’illustration presque par hasard, après avoir intégré l’école des Arts décoratifs de Strasbourg par le prisme de la photographie. Diplômée en 2006, elle vit désormais à Nantes où elle jongle entre son rôle de mère, son travail pour la presse, la communication et ses livres illustrés qui restent le cœur de son métier. Tantôt illustratrice, tantôt aussi autrice, ses ouvrages sont édités par Le Rouergue, La Martinière jeunesse, Les Fourmis Rouges ou encore les éditions Milan.

Quatre questions à Aurore Petit

 

L'illustratrice Aurore Petit en résidence avec les élèves de l'école Saint-Exupéry

Viva - Comment abordez-vous le sujet du corps avec les enfants ? 

Aurore Petit - Aborder la question du corps à 4 ans ou à 11 ans, c’est complètement différent. C’est ce que je trouve intéressant dans cette expérience avec l’école. Je rencontre des enfants de la petite section jusqu’au CM2. S’il y a une chose qu’ils ont en commun, c’est ce corps qui grandit, qui change tout le temps.

En maternelle, on aborde plutôt la mobilité du corps, sa structure et ce qui fait son identité. On n’est jamais très loin de l’autoportrait. Avec les plus grands, on va parler de ce qu’il y a à l’intérieur du corps, de ce qu’on ne voit pas. En fonction de leur âge, les élèves savent plus ou moins de choses, c’est intéressant de mettre une image sur l’invisible, ou traduire par le dessin ce qu’on sait : les veines, les organes, le squelette… L’intérieur du corps fait appel à une iconographie très riche.

L’enjeu du sujet, c’est dans un premier temps de les faire s’exprimer, d’abord par les mots, sur ce qu’est le corps pour eux. À l’issue de la première semaine de résidence, j’ai constaté que leurs productions artistiques étaient très puissantes. À la fin de la première journée, déjà,  je me suis rendu compte qu’on pouvait aller plus loin que ce que j’avais imaginé. J’ai donc choisi d’utiliser ce temps de résidence à l’école pour expérimenter des dispositifs de dessin et de peinture avec les élèves. Je teste beaucoup de choses, c’est un laboratoire.

Comment les ateliers se déroulent-ils concrètement ?  

Je rencontre toutes les classes de l’école en quatre semaines réparties sur cinq mois, à raison de deux heures par rencontre. Il y a huit classes avec lesquelles je travaille à chaque fois, donc sur quatre ateliers. C’est avec ces élèves-là qu'on va faire un livre. C’est ce que j’appelle le projet fort. En parallèle il y a les projets “satellites”, des classes que je ne vois qu’une fois : les élèves ont lu mes livres, parfois ils ont travaillé sur l’un d’eux. On discute, et on fait un atelier en rapport avec une de ces lectures, que j’oriente sur le thème du corps.

La première semaine était plutôt dédiée à la rencontre et la découverte. La deuxième semaine, qui a eu lieu fin novembre, on a exploré le grand format : le corps à l’échelle 1. On a peint sur les vitres et sur de très grandes feuilles. Les deux dernières semaines de résidence seront consacrées au projet d’édition. On va faire ce livre à 180 paires de mains, c’est enthousiasmant !

En parallèle, je prépare une exposition qui aura lieu à la MLIS. Mais c’est encore trop tôt pour en parler !

Qu’est-ce que ce travail apporte aux enfants selon vous ? 

Pour eux c’est l’occasion de dessiner, ce qui n’est pas rien car à partir du CE2, les enfants dessinent beaucoup moins en classe, bien qu’ils puissent en avoir encore très envie. J’essaie d’adopter une approche différente du cadre de l’école en leur proposant des activités pédagogiques mais pas scolaires. Je leur montre qu’on peut être créatifs avec presque rien.

 

L'illustratrice Aurore Petit en résidence avec les élèves de l'école Saint-Exupéry

 

Et qu’est-ce que ça vous apporte à vous, en tant qu’illustratrice ? 

Dessiner avec les enfants pendant les ateliers fait appel à une toute autre énergie que celle déployée lorsque je crée mes albums jeunesse : c’est l’énergie du présent, de l’action. C’est beaucoup moins cérébral et beaucoup plus spontané. 

Avec cette résidence pour la fête du livre je suis amenée à réfléchir au sujet de manière plus immédiate et plus frontale : le corps, c’est quoi ? c’est qui ? c’est comment ? 

L’approche est passionnante car les questions n’ont pas le même sens pour un enfant de 3 ans ou de 11 ans. On parle de mouvement, de représentation, de mécanique, de biologie, de sensations… C’est très riche. 

Et puis le contact avec les enfants et ma parentalité m’inspirent : je les regarde vivre et j’ai envie d’écrire des histoires dans lesquelles les parents sortent du champ pour laisser toute la place aux enfants. Le fait de faire des livres pour des petits lecteurs me place aussi dans une exigence de lisibilité : je suis attentive à ce que mon travail soit immédiat et accessible, une simplicité de propos qui infuse d’ailleurs dans le reste de mon travail.

Informations pratiques

> “En corps”, 24e édition du Festival du Livre jeunesse de Villeurbanne

>> Du 29 mars au 2 avril 2023

>> fetedulivre.villeurbanne.fr

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