C'est notre histoire : Villeurbanne 1900 en cartes postales [podcast]
9 décembre 2025 - Mis à jour le 9 décembre 2025
Carte postale montrant le château de la Ferrandière (aujourd'hui disparu) à Villeurbanne en 1902.
Années 1898-1900. Un photographe venu de Nancy a posé son énorme appareil photo, monté sur trépied, face au château de La Ferrandière, à Villeurbanne. L’homme travaille pour une fameuse entreprise appartenant à Albert Bergeret (1859-1932). Le voici à présent qui se glisse sous le voile noir équipant l’appareil. Il règle son objectif jusqu’à obtenir une parfaite netteté, enlève le cache, faisant ainsi entrer la lumière jusqu’à la plaque photographique, puis le remet en place après quelques secondes. La magie a opéré, voici la photo prise. Elle sera emmenée à Nancy, puis aussitôt muée en carte postale, montrant sur le recto les grands bâtiments de l’imposant château villeurbannais, avec ses ailes bordées par des vergers. « La Ferrandière », indique la légende. L’image occupe presque toute la place, tandis que le verso est entièrement réservé à l’adresse du destinataire. Il ne reste donc plus qu’un faible espace à l’expéditeur pour inscrire son message : « 11 mai 1902. Bonjour ma nièce. Comment allez-vous ? », écrit un certain François. Quelques jours plus tard, mademoiselle de Piépape, habitant rue du Petit-Banc à Niort, dans les Deux-Sèvres, reçoit ce gentil mot.
Place de la mairie (actuelle place Grandclément), B.F. Paris, début du XXe siècle. Archives municipales / Le Rize, 2 Fi 42.
De telles cartes postales, les Français de la toute fin du 19e siècle et de l’aube du 20e en raffolent. Ils en envoient à tout bout de champ pour communiquer avec leur famille ou leurs amis, comme nous le faisons aujourd’hui avec nos conversations téléphoniques, nos SMS ou les réseaux sociaux – et ce d’autant plus que, depuis 1904, la poste leur a accordé toute la moitié du dos de la carte pour pouvoir correspondre ! Devant une telle fureur, les photographes répondent présents, et mitraillent à tire-larigot les maisons et les champs du moindre petit village, et bien évidemment les immeubles, les rues et les monuments des villes de notre pays. Il en va ainsi à Villeurbanne.
vant la Première Guerre mondiale, notre commune voit affluer des bataillons de photographes. Comme le Lyonnais François Pacalet (1880-1938), dont l’atelier se trouve rue Servient. Comme ses collègues Carrier, Victoire, et S. Farges, lyonnais eux aussi. Comme les Parisiens Léon et Lévy, qui écument tout notre pays ; comme J. David, basé à Levallois-Perret, en banlieue parisienne ; comme le Nancéen Bergeret, que nous venons de voir, ou encore ces mystérieux photographes ne signant leurs œuvres que par leurs initiales : « BF », « ED », « HB ». Au total, ils sont donc plus d’une dizaine à avoir arpenté les rues villeurbannaises, et sans doute bien davantage.
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Quant à leurs photographies, elles dépassent probablement la centaine. La bien modeste collection de l’auteur de cet article en affiche ainsi 34 différentes, rien que pour les années 1900-1910. Dans ce lot de cartes postales, l’église de Cusset tient la tête du peloton. Elle a été fixée sous toutes les coutures – mais il en allait ainsi pour chaque église de France, auxquelles nos concitoyens d’hier étaient très attachés. Deuxième sur le podium, la mairie. Non pas celle des Gratte-Ciels, qui ne fut inaugurée qu’en 1934, mais celle de la place Grandclément, de nos jours occupée par la poste. Elle aussi connait un franc succès, vue de face ou de côté, et semble glorifier la IIIe République aussi bien que le pouvoir municipal. Idem pour l’hôpital-hospice communal, aujourd’hui lycée Faÿs, qui fait la fierté des élus. Arrivent nettement derrière, les écoles, les rues et les avenues situées aux quatre coins de la cité. Ainsi la place de la Bascule, aux Charpennes, un immeuble haussmannien du cours Tolstoï, ou encore le terminus du tramway à Cusset : un photographe inconnu le montre avec un tram attendant ses passagers, et deux enfants prenant la pose.
La ville industrielle n’est pas oubliée, qui apparaît sous les traits de la grande usine Gillet, et par une magnifique sortie de ses ouvriers, saisie sur le vif. Enfin, souvent indiqués comme étant à Lyon mais se trouvant bel et bien dans notre ville, les sports et les loisirs viennent clore ce palmarès : entre le tir aux pigeons de la Feyssine, le vélodrome de la route de Genas, l’hippodrome du Grand Camp ou le grand prix d’aviation de 1910 – qui attira 100.000 à 400.000 spectateurs dans le quartier des Brosses -, le rôle festif que tient notre cité pour bien des Lyonnais apparait en pleine lumière. Ces cartes postales, d’à peine 14 cm sur 9, dressent ainsi un portrait à grands traits de Villeurbanne, aussi bien que de la manière dont elle se met en scène.
La guinguette Chez Favier, à Cusset, au début du 20e siècle. Archives municipales de Villeurbanne / Le Rize
Un objet de collections
Parce qu’elles sont toujours belles ; parce qu’elles montrent des scènes d’une vie révolue ou des bâtiments toujours présents ou hélas disparus ; parce qu’elles font aussi partie de notre patrimoine, les cartes postales anciennes de Villeurbanne ont depuis belle lurette attiré les collectionneurs. Tout un chacun peut facilement les trouver sur les sites de vente en ligne. C’est ce qu’a fait pendant des années l’ancienne archiviste de Villeurbanne, Dominique Grard. Le fruit de ses recherches, de gros classeurs rassemblant des centaines de cartes, peut être librement consulté aux archives municipales, au Rize. Mais la plus imposante collection en la matière demeure celle de Pascal Bernard. « Amateur de cartes postales et photographies anciennes », comme il se présente, ce passionné a mis en ligne rien moins que 475 cartes, que l’on peut découvrir par l’intermédiaire d’une carte interactive de Villeurbanne. Cliquez, et vous verrez apparaître notre ville ou votre quartier tels qu’ils se présentaient au siècle dernier. Un régal.
La carte interactive réalisée par Pascal Bernard :
Repères
1822-1825 : le Bourguignon Nicéphore Niépce (1765-1833) réalise les premières photographies
1839 : Louis Daguerre (1787-1851), associé avec Niépce, révèle le daguerréotype, livrant une photo non reproductible
1840 : l’Anglais William Talbot invente le procédé par négatif/positif, permettant des reproductions sur papier
1881 : l’Américain George Eastman (1854-1932) fonde une société (appelée Kodak en 1888), utilisant les pellicules photo
1892-1903 : Frédéric Faÿs est maire de Villeurbanne
1904 : tentative d’annexion de Villeurbanne à Lyon
1906 : Villeurbanne compte 33.890 habitants
1907 : ouverture de l’Hôpital-Hospice Faÿs
1908-1922 : Jules Grandclément est maire de Villeurbanne
1974 : ouverture à Chalon-sur-Saône, du musée d’histoire de la photographie Nicéphore Niépce
1994 : Apple sort l’un des premiers appareils photo numériques grand public, le Quick Take