Dark City : l’Assemblée citoyenne rend son rapport [PODCAST]

Il s’agit du premier dossier dont s’est emparée l’Assemblée citoyenne de Villeurbanne, sur sollicitation des élus municipaux. Un sujet ardu, aux ramifications multiples : comment réagir face au phénomène de dark city ?
Ce dossier est complété par un podcast réalisé avec le témoignage des membres de l'Assemblée citoyenne.
Lors d'une des Dark Night consacrées au sujet des « dark cities ».

Lors d'une des Dark Night consacrées au sujet des « dark cities ».

De quoi parle-t-on ? De la multiplication des demandes d’implantation de dark kitchens ou dark stores, ces cuisines de restaurant ou magasins cachés qui n’accueillent pas de clients et ne font que de la livraison. Questions sociales, de nuisances pour le voisinage, de sécurité routière… Après des mois d’enquête, l’ACV a rendu un rapport fouillé et nuancé. Au printemps dernier, Villeurbanne a été confrontée à une demande d’un genre nouveau : autoriser l’implantation dans le secteur de Cusset de cuisines correspondant à des restaurants uniquement présents sur des plateformes de livraisons. Comment réagir face à « l’uberisation » de la société, aux conséquences sociales et économiques, aux nuisances pour le voisinage… sans méconnaître un service qui a de nombreux adeptes et génère des emplois ?

« C’est un thème qui a émergé dans les questionnements urbains de manière assez tangible. Ce nouveau phénomène de société ne permettait pas encore d’avoir suffisamment de recul pour que nous, en tant qu’élus, ayons un point de vue politique affirmé », explique Jonathan Bocquet, adjoint à la Transition démocratique. C’est ainsi que la mairie a sollicité l’Assemblée citoyenne de Villeurbanne en avril dernier. Un groupe s’est rapidement constitué en son sein et a élaboré une méthode de travail. Un travail qui pourra servir lors des prochains dossiers que l’Assemblée aura à traiter.

« Avant l’été, nous avons organisé une première Nuit de la dark city avec d’autres membres de l’Assemblée citoyenne. Nous avons imaginé un kit de sensibilisation aux dark stores et aux dark kitchen, une bande dessinée expliquant le point de vue du consommateur, ainsi que les implications quand on fait appel à ces sociétés », explique Juliette Paccoud, membre du groupe de travail. Cette BD a été distribuée à la population par des participants aux chantiers jeunes. À cette occasion, un sondage a été mis sur pied, ensuite relayé sur la plateforme en ligne de l’Assemblée.

Consommateurs, livreurs, commerçants : tous les points de vue entendus

La réflexion s’est aussi penchée sur les livreurs. Des rencontres ont eu lieu et les témoignages qui en sont issus ont servi à la réalisation d’une seconde BD fondée sur leur point de vue. D’autres rencontres ont suivi afin de bien cerner leurs conditions de travail. « Nous avons réalisé la précarité de leur statut, d’autant plus qu’ils sont nombreux à être en situation irrégulière », note Vincent Ollion, un autre membre du groupe.

Partis sans a priori, les membres de l’Assemblée citoyenne ont affiné leurs réflexions au fil des rencontres, prenant en compte tous les points de vue, allant jusqu’à interpeller directement les citoyens dans la rue… « Nous nous sommes demandé comment aider les gens à réfléchir aux conséquences d’un achat qui fait appel à un livreur. Il en résulte qu’il faut sans cesse apporter de l’information pour comprendre les tenants et les aboutissants. Chacun est ensuite libre de choisir en connaissance de cause », poursuit une autre membre du groupe, Liliane Thimonier.

Après une dernière « Dark night » et une dernière relecture, le rapport a été présentée lors de l’assemblée plénière de l’Assemblée, le 26 novembre, puis remis aux élus villeurbannais. On y trouve des pistes comme taxer les propriétaires des dark kitchens et dark stores au titre de l’occupation de l’espace public par les livreurs, encadrer les horaires de livraisons afin de limiter les nuisances, favoriser l’implantation de commerces de proximité « avec contact humain », poursuivre le développement des cuisines solidaires, imposer un quota de dark stores et dark kitchens par rapport aux autres commerces…
Le document est désormais disponible en ligne sur participez-villeurbanne.org et la municipalité va étudier les pistes proposées pour agir localement comme au niveau des législateurs. On reparlera donc bientôt de ce sujet et de l’énorme travail des membres de l’Assemblée citoyenne.

 

L’Assemblée citoyenne, comment ça marche ?

L’Assemblée citoyenne de Villeurbanne a pour vocation de donner des avis au conseiller le conseil municipal sur des sujets d’actualité ou de prospective et de mettre en place toute action qu’elle juge nécessaire pour améliorer la vie des habitantes et des habitants. Ainsi, elle fait vivre le débat démocratique à Villeurbanne. En multipliant les actions d’aller vers, l’Assemblée Citoyenne a notamment pour but d’inclure les citoyens et citoyennes dans le processus de décision publique, de leur donner un espace d’interpellation des élus et de valoriser leur expertise. Elle est également responsable de l’appel à projet et du suivi du budget participatif.

L’Assemblée peut être saisie par les élus de la Ville ou se saisir elle-même de sujets de son choix. Elle peut donner son avis, rendre une synthèse des avis des Villeurbannaises et Villeurbannais ou mettre en place des actions concrètes, notamment via le budget participatif.

Elle est composée de 20 membres tirés au sort parmi l’ensemble de la population et de 25 membres issus des instances existantes : conseils de quartier, conseil des aînés, conseils des jeunes, maison du citoyen… ; de 35 volontaires tirés au sort. Le processus de sélection permet de garantir que les membres incarnent la diversité de la population.

 

Envie de participer ?

Participer à l’assemblée citoyenne vous tente ? C’est possible ! L’Assemblée a souvent besoin de faire appel à des personnes volontaires en dehors de ses membres, parmi ceux que l’on appelle, « les Compagnons de l’Assemblée ». C’est également cette liste qui sert à tirer au sort de nouveaux membres issus du volontariat. Retrouvez toutes les informations sur l’ACV et comment la rejoindre en suivant ce lien.

 

INTERVIEW

Jonathan Bocquet, adjoint à la Transition démocratique, aux finances, travaux et performance de l’administration 

Qu’est-ce qui a présidé à la création de l’Assemblée citoyenne de Villeurbanne ?

C’est l’envie de faire participer le plus largement possible les citoyens à la vie publique. L’Assemblée citoyenne est un espace emblématique de la volonté municipale d’aller vers plus de démocratie, sans oublier qu’il existe déjà d’autres espaces d’expression, mais qui ne permettent pas forcément de traiter toutes les questions qui concernent la ville. L’Assemblée est un catalyseur de la démocratie locale et un partenaire privilégié de la décision publique. À l’instar des conseils de quartier, elle a vocation à accompagner les élus dans la prise de décisions, pour la recommandation, mais à une échelle plus globale, c’est-à-dire concernant toute la ville, toutes ses habitantes et tous ses habitants. Et donc en mobilisant au maximum la population. Cette instance peut répondre aux sollicitations de la mairie, comme pour la dark city, et aussi faire émerger ses propres thématiques de réflexion et d’action.

Pourquoi le thème de la première sollicitation de la Ville était la dark city ?

C’est un sujet du quotidien qui doit nous interpeller, même si on ne se rend pas complètement compte des enjeux. Il touche à différentes sphères de la vie quotidienne, on y est confronté en tant qu’habitant, qu’usager de l’espace public, que consommateur, que salarié… Les conclusions de l’Assemblée vont nous permettre de nous positionner en tant que Ville sur les réglementations locales, mais aussi nous donner l’occasion d’interpeller le législateur. Ce premier sujet a montré que cette instance était en capacité d’aller vers les citoyens et les livreurs et de créer des espaces de débats impossibles ailleurs.

Comment sera utilisé le travail de l’Assemblée citoyenne sur la  dark city ?

Jonathan Bocquet — Les élus vont prendre connaissance de leurs observations et de leurs conclusions sur les avantages et les inconvénients de l’émergence de ce phénomène. Leurs recommandations nous permettront d’envisager les solutions en matière environnementale, de sécurité sur les déplacements, de nuisances liées au stationnement des livreurs, de leurs conditions de travail… Une ville de gauche doit se questionner sur la place de ces travailleurs précaires. Il y aura des réponses au niveau local, mais on se rend bien compte que c’est un sujet qui implique directement des réglementations nationales. Cela va nous obliger à faire suivre ce rapport au Parlement. On est prêt à le faire et à accompagner les citoyens qui souhaitent ce niveau d’interpellation.

 

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