Fête du livre jeunesse : rencontre avec les chimères d'Isabelle Simler
27 novembre 2024
Après avoir dessiné pour la presse, la publicité ou encore l’animation, Isabelle Simler, diplômée des arts décoratifs de Strasbourg, a choisi de se consacrer pleinement à la littérature jeunesse. Depuis plus de dix ans, elle croque des animaux avec la précision d’une naturaliste et la fantaisie d’une poète. En 2017, son livre Plume a été désigné comme l’un des 10 meilleurs livres illustrés de l’année par The New-York Times.
En résidence à l’école Jean-Zay pendant 4 semaines réparties sur l’année, l’autrice-illustratrice anime auprès de toutes les classes des ateliers de création collective. La première session a eu lieu en novembre : les élèves, de la petite section au CM2, ont dessiné des parties d’animaux à plumes, à poils et à écailles sous les conseils de l'illustratrice. Une fois assemblées, ces grandes chimères seront exposées à la Maison du livre, de l’image et du son pendant la Fête, du 2 au 6 avril 2025.
Rencontre.
C’est quoi le style "Isabelle Simler" ?
J’ai une manière de procéder plutôt naturaliste : pour moi le dessin c’est presque un prétexte pour aller observer les choses en détail et sous tous les angles. Quand je choisis un sujet, je mène d’abord un important travail de recherche, pour pouvoir ensuite prendre la liberté de m’éloigner du réel.
J’ai donc une manière de dessiner assez réaliste, mais je ne m’oblige pas à coller parfaitement à la réalité, je travaille beaucoup sur les textures, je joue avec les traits et les couleurs. J'estime qu’un dessin est abouti quand j’ai l’impression que l’animal est un peu vivant, qu’on ressent presque le souffle dans ses poils, comme s’il pouvait se mettre en mouvement.
Comment les animaux sont-ils devenus votre sujet de prédilection ?
Ça s'est fait assez naturellement. Je crois que ce qui motive l’envie de dessiner c’est l’émerveillement or la diversité qu’on trouve dans la nature est pour moi très stimulante. Je dessine toutes sortes d’animaux mais j’ai beaucoup dessiné des insectes par exemple, pour la diversité d’esthétiques qu’ils présentent. Je suis aussi fascinée par l’ingéniosité de la nature.
Et puis, m’intéresser aux animaux c’est aussi une manière détournée d’interroger le rapport qu’on entretient avec les animaux en tant qu’humains. C’est aussi un très bon sujet d’échange avec les enfants.
Qu’est-ce que vous préférez quand vous travaillez avec les enfants ?
J’aime beaucoup les résidences au long cours, comme celle que je fais dans le cadre de la Fête du livre jeunesse de Villeurbanne, parce que le dessin c’est du temps long. Souvent quand on a des rencontres ponctuelles avec les enfants c’est très frustrant parce qu’on est limité dans le temps et on ne peut pas revenir sur le dessin. Là c’est plutôt idéal puisque je vais revoir les enfants quatre fois pour certains. Ca permet d’élaborer quelque chose dans la durée, et le dessin c’est comme ça que ça se fait, dans le temps. J’aime beaucoup ce type de rencontre.
Comment avez-vous construit cette résidence ?
J’aimais bien l’idée qu’il y ait vraiment tous les niveaux, de la petite section au CM2 et je n’avais pas envie de créer des choses différentes avec chaque tranche d’âge, au contraire. Donc il a fallu trouver un projet dans lequel il soit possible d’inclure tous les enfants, et pour répondre aussi à la thématique de la fête du livre jeunesse j’avais envie de partir du réel, de l’observation naturaliste, pour basculer ensuite dans la fiction. Chaque classe est donc invitée à créer une partie d’un animal et on assemblera ensuite tous ces morceaux pour créer des chimères. Le sujet reste le même pour tous les enfants, après j’adapte les outils à chaque classe, les craies grasses pour les tout-petits par exemple, et les poscas fins qui demandent plus de dextérité pour les plus grands. C'est un travail graphique qui fonctionne avec tous les âges.
Avez-vous déjà une idée du résultat ou des attentes particulières ?
J’essaie de ne pas trop déterminer les choses à l’avance. L’idée c’est d’improviser avec les enfants, de faire avancer le projet avec eux. L’objectif c’est aussi de les embarquer tous, parce que dans une classe il y a toujours ceux qui sont hyper à l’aise avec le dessin et d’autres qui sont beaucoup plus timides. Là c’est intéressant d’avoir du temps et de revoir les enfants, ça permet de mettre en confiance les plus timides. Le dessin c’est beaucoup de persévérance, donc il faut accepter de ne pas réussir tout de suite, d’essayer plein de choses avant d’arriver à un résultat convaincant. C’est ce que j’essaie de communiquer aux enfants, pour les mettre en confiance et qu’ils s’étonnent eux-même.