[JEUNES RÉDACTEURS] - Être « Spectacteur »

Théo, membre du comité de rédaction "Jeunes à Villeurbanne", scrute les nouveautés vidéoludiques et a déniché une petite pépite indépendante : observer, un jeu d’enquête horreur psychologique cyberpunk.
Être « Spectacteur »

Il arrive qu’au détour de recherches de nouveautés vidéoludiques on tombe sur de petites pépites indépendantes à découvrir. C’est ce qui m’est arrivé récemment avec un jeu d’horreur sorti en 2017.
Développé par le studio polonais Bloober Team, >OBSERVER_ est un jeu d’enquête horreur psychologique cyberpunk (oui ça fait beaucoup de termes très différents mais vous allez voir ça fonctionne plutôt bien ensemble). Pour le définir rapidement, le cyberpunk c’est un sous genre de la science-fiction se déroulant dans de lointains futurs. Dans ces univers c’est l’électronique qui fait fonctionner toute la vie quotidienne, que ce soit pour les machines ou pour les humains, pour lesquels la présence de prothèses physiques est totalement habituel.
On y incarne le détective Daniel Lazarski en 2084. Le jeu commence alors que l’on reçoit un appel de notre fils Adam, perdu de vue depuis des années. Sa localisation nous amène dans un immeuble de quartier populaire dans lequel va se dérouler toute notre enquête sur sa disparition.
Précédemment à >Observer_, Bloober Team nous avait déjà proposé Layers of Fear en 2016, et si vous voyez de quel genre de jeu il s’agissait, et bien Observer se trouve être du même acabit. Celui-ci n’est cependant pas un jeu facilement accessible à un très grand public. Je m’explique ci-dessous.

SCIENCE-FICTION

C’est un jeu d’horreur psychologique au gameplay très minimaliste nous proposant assez peu d’action et d'interaction. Nous serons en effet majoritairement spectateurs pendant toute notre aventure. Durant notre enquête, nous serons amenés à récolter des informations dans cet immeuble afin de comprendre ce qui s’y est passé, et y progresser afin de retrouver petit à petit notre fils.
Le jeu se déroulant dans un univers cyberpunk, tout l’univers graphique et scénaristique est travaillé pour nous y plonger le mieux possible. Les améliorations mécaniques du corps font donc partie intégrante de ce monde, et notre héros n’y échappe pas.
Nous avons à notre disposition pour avancer sur notre enquête deux visions spéciales. L’une permettant de mettre en avant et d’analyser les éléments électroniques, l’autre permettant de faire de même avec les éléments biologiques. Et c’est à ça que se résume à peu près tout le gameplay d’Observer. En effet, comme évoqué plus tôt, celui-ci n’est pas tant un jeu que l’on va faire pour ses phases d’action ou son gameplay extrêmement riche, mais plutôt afin de se plonger dans un univers travaillé, afin d’y découvrir toutes les histoires narrées.

Et ces histoires justement ! Observer ne se contente pas de simplement nous raconter les péripéties de Daniel pour retrouver son fils. C’est à travers les documents trouvés, les témoignages, et les souvenirs de chaque habitant (nous reviendrons sur ce point un peu plus loin), que le jeu parvient brillamment à nous livrer quantité d’histoires auxquelles on prête volontiers notre attention.
On déambule donc de paillasson en paillasson à la recherche du prochain locataire qui daignera nous parler. Et au final on en oublie presque notre objectif premier et on se surprend à s’intéresser aux bribes d’intimité que nous livre chaque habitant selon les choix de dialogues que l’on fera. Chacun à sa manière vient apporter des précisions sur l’univers et la société qui peu à peu se dessinent sous nos yeux, et contribue à faire naitre les multiples réflexions qui sont abordées. En effet, cyberpunk oblige, il sera question de transhumanisme (idéologie prônant l’amélioration de l’être humain, notamment par la science et la robotique), de la limite de notre conscience vis à vis de la robotique et même, plus généralement, du rapport à la vie de ces citoyens dans cette société quasi-dystopique.
Ainsi de la prostituée nous interrogeant sur notre bonheur là où elle n’est perçue que comme un objet de plaisir, à la famille puriste bannissant de son quotidien les améliorations physiques apportées par la robotique pour rester “humain”, ce sont les individus que l’on rencontre qui prennent une place très importante dans la narration du jeu.

SOUVENIRS

Maintenant abordons l’aspect horrifique du jeu. Il ne vous a pas échappé que j’ai évoqué plus tôt les souvenirs des locataires comme moyens de poursuivre notre enquête. En effet Daniel Lazarski est un Observer, il a donc la possibilité de se connecter aux individus afin de pénétrer leur mémoire et ainsi revivre leur souvenirs, en vue de récolter des informations. Et dans ces phases, le gameplay, déjà assez minimaliste à la base, disparaît complètement, nous laissant simplement spectateur du passé que l’on découvre. Mais alors quel est l’intérêt de ces séquences? La mise en scène grandiose. Celle-ci ne se veut pas cinématographique, c’est par métaphore, distorsion de la réalité et déformation par le point de vue de l’individu, que tout est représenté. Ces moments sont à part, nous invitant à avoir un regard extrêmement intime sur la vie et le passé d’un individu. Ces séquences sortent totalement des codes du jeu vidéo, sans pour autant rentrer dans ceux du cinéma. Ce sont des instants à part dans lesquels seules la mise en scène et la construction rythmique des évènements qui se déroulent sous nos yeux et dans lesquels on se déplace, ont de l’importance.
Et tout cela ne serait rien sans le design sonore et la musique remarquable que nous propose le jeu. Les bruitages offrent une immersion extrêmement efficace, surtout lorsque joué au casque, et la musique de Arkadiusz Reikowski propose des thèmes surfant sur l’aspect cyberpunk et futuriste. On y retrouve toute l’électronique propre à la science-fiction, s’inspirant même parfois de thèmes musicaux comme ceux d’Akira avec des chœurs. Mélangée avec le rythme du style horrifique, la musique fait des scènes voulant s’amuser avec la tension du joueur, de vraies réussites.

Si vous souhaitez y jouer, sachez néanmoins que le jeu Observer paru en 2017 tel que présenté dans cet article n’est plus disponible, puisqu’une réédition, Observer : System Redux, est sortie cette année. Celle-ci propose le même jeu, avec des graphismes bien plus poussés, et du contenu supplémentaire. Il est disponible sur PC, PS5 et Xbox series pour 29,99€.
Observer est un véritable coup de cœur, il réussira sans problème à convaincre aussi bien les amateurs de jeux d’horreur, de jeux narratifs, ou d’univers cyberpunk. C’est un voyage au sein de l’évolution humaine, nous interrogeant à travers une multitude de récits sur notre humanité, sur notre avenir technologique et sur la place des relations humaines au sein de cette société.

 

 

Théo

Pour les personnes intéressées, voici le lien vers l’OST du jeu :

 

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