[LA PAUZE] - Festival « Sens interdits » - Episode 2

La « Pauze », le comité éditorial jeunes, continue la couverture du festival de théâtre international « Sens Interdits ». Cette fois-ci, c’est Adélie qui vous fait un bref retour des quatre dernières pièces qu’elle est allée voir. Le festival dure jusqu’à la fin du mois d’octobre !
Festival « Sens interdits » - Episode 2

Plus d’informations sur les représentations à venir : https://www.sensinterdits.org/

«  C’était un Samedi »

Pour Dimitri Hadzis et Irene Bonnaud, auteur et metteur en scène, pour le public réuni, des personnages de terre côtoient la voix, le corps de Fotni Banou. Leur parole, fragile comme la terre cuite dont ils sont faits, est celle de la communauté juive romaniote, de Loannina en Grèce, déportée à Auschwitz en 1944. C’est le témoignage des survivants, patiemment recueilli, c’est le
témoignage des morts, qui n’ont pu se résoudre à disparaître dans le silence. Ils ne pouvaient pas se taire et quand ils n’ont plus pu parler, ils ont chanté. En yiddish, en grec, en allemand parfois. Spectateurs, nous sommes amenés à voyager, d’un visage à l’autre, d’une parole à l’autre, avec d’autant plus de douceur que les mots sont puissants.

« Laboratoire poisson »

En Belgique contre les nazis, au sein du FLN, au Congo dans la lutte pour l’indépendance, qu’est-ce qu’un traître ? Pourquoi, pour les mêmes actes, certains sont nommés traîtres à leur cause, pourquoi leur crache-t-on à la figure et oublie-t-on de toutes nos forces, leurs noms ; alors que d’autres, pour les mêmes actes, sont plus que pardonnés voire glorifiés, car cette erreur -petite erreur- les rend plus humains à nos yeux ? A eux les statues, les noms de rues, leur trace dans les livres d’histoire, et
aux autres l’opprobre, la honte, les yeux qui se détournent. Tous ces récits de traîtres à leurs causes sont étrangement inaccessibles, refoulés, relégués au fond des mémoires et des archives. Adeline Rosenstein et sa troupe s’emploient, avec toute l’humilité d’une mise en scène épurée, d’un jeu qui ne mime pas mais qui « figure », à extirper ces récits du grand oubli où ils étaient plongés. Ici pas
de grand procès, pas de jugement rétroactif mais des « canard-lapin » : ni bien ni mal, on ne sait pas et on l’accepte. Était-il traître forcé ou traître par conviction, ou encore agent infiltré ? On ne sait pas. La photo le montre parmi la foule, le bras droit levé en salut nazi, mais on ne sait pas.

« De ce coté »

Un instant Dieudonné Niangouna était sur scène, un public devant lui, l’instant d’après il était seul, les oreilles sifflantes et à la place du public un trou. Seul aussi sur scène pour le festival Sens interdits, il évoque cette bombe presque en glissant dessus, ce qu’il raconte c’est l’après. L’après où il n’a jamais été seul vraiment, toujours cet « autre moi » qui se battait si bruyamment avec le « moi
tout court ». Et la colère entre les deux. Pas beaucoup de place pour le reste. Alors quand on lui propose un rôle dans une pièce, la question se pose : quelle place pour cette information du « théâtre à nouveau » ? Et qui envoyer, s’il faut envoyer quelqu’un, entre l’autre moi et le moi tout court ?
Pourtant une autre question prend son importance : quel rôle pour lui dans la vie de son autre moi ?
On l’accusait d’être trop engagé, on l’accuse, en exil, de ne l’être pas assez.
Fin de la pièce sur une décision: il jouera le rôle qu’on lui propose, il « étouffera sa colère ».
Silence.
Il laisse la scène vide. En silence toujours, sur un drap noir, la fumée d’une explosion.

« En cinq saisons, un ennemi du peuple »

Entre les gratte-ciel qui éclosent chaque nuit autour d’eux, un peuple lutte pour sa liberté. L’architecte Rexhep Luci se bat pour la reconstruction de la ville contre la mafia qui l’enserre en
construisant à grande vitesse des buildings non viables, au prix de la vie de leurs ouvriers. Mais cette mafia est soutenue par les États-Unis, mais cette mafia est soutenue par le gouvernement, mais cette
mafia est soutenue par les médias, mais le peuple est employé par elle pour faire pousser ces immeubles qui les tueront. Alors l’architecte, parce qu’il se bat pour cette ville qu’il aime et pour
ses habitants, est assassiné dans l’indifférence générale.
Six sur scène, les comédiens rendent le désordre ambiant, à grand renforts de mouvements saccadés, de cris, de danses, de chants, de dialogues enflammés.

A très vite pour le prochain épisode de ce beau festival.

Adélie

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