LA PAUZE - Miellons-nous aux apiculteurs!
15 juin 2023
Pierre BADIER
Comment avez-vous développé cette passion pour l’apiculture ?
« En primaire, l’instituteur s’occupait d’une ruche dans le jardin de l’école. Plusieurs fois, il nous emmenait devant cet essaim surprenant d’abeilles, et nous expliquait brièvement les différentes étapes. J’ai rapidement cultivé un intérêt personnel pour les abeilles. Mais par la suite, je me suis vite tourné vers le secteur de l’usine, ou j’ai été licencié à 45 ans. À la suite de cet événement décisif dans la vie d’un homme, j’ai décidé de me réorienter. J’ai suivi une formation qui a fait grandir en moi une passion considérable au regard de l’apiculture. Pendant 6 mois, je me suis formé auprès de spécialistes dans la commune Côte Saint-André, du département de l’Isère. J’achevais à la fin une formation qualifiante, mais non diplômante. »
Au sortir de cette formation, qu’avez-vous ressenti ?
« Passer du secteur de l’industrie à celui de l’artisanat n’est pas sans conséquence (rires). Je suis passé d’un état salarié à un état indépendant dans lequel l’incertitude prend sûrement plus de place. Mais j’ai tout de même ressenti une sensation de liberté. Je conçois l’état salarié comme un état angoissant et oppressif. J’ai travaillé selon les règles de l’entreprise et les règles patronales pour ensuite arriver à un statut indépendant où je me retrouve être mon propre patron. C’est principalement cette absence de salaire fixe et cette indépendance qui me procurent cette sensation de liberté.
Et puis, en étant apiculteur, j’ai la chance de côtoyer à chaque instant la nature,que ce soit au niveau de mes abeilles ou encore sur les terrains que je loue pour produire du miel. »
Vous évoquez justement l’absence de salaire fixe dans votre profession, qu’est-ce que ça représente pour vous ?
« Puisque je n’ai pas de salaire fixe, je me dois d’anticiper les récoltes et les productions. Je ne peux pas me permettre de partir en flambée et vendre la totalité de mon stock.Il est important de garder quelques réserves. Puis, il y a aussi cette contingence au regard des productions avec les différentes plantes et fleurs que je vais laisser auprès de mes abeilles. Par exemple l’an dernier, je n’ai pas descendu de ruches dans les champs de lavande.En effet, à cause de la sécheresse et du prix des carburants, j’ai décidé de ne pas prendre de risque. J’ai des amis qui ont fait une petite récolte, ce qui n’a pas permis de rentabiliser les frais.Il faut limiter les risques financiers, il faut prendre en compte l’éventualité que la récolte ne soit pas immense. »
Un apiculteur transhumant, ça fait quoi?
« De la même manière que le berger déplace son troupeau de bétail vers des prairies plus fraîches, l’apiculteur déplace aussi ses colonies d’abeilles vers des espaces plus fleuris. Cela signifie que je transporte mes ruches au gré des floraisons. Par exemple, après avoir hiberné pendant l’hiver, lorsque les températures sont inférieures à 10°, je vais par la suite les transporter dans des terrains que j’aurai loué au préalable pour leur permettre de butiner convenablement. Je vais les transporter
vers des champs de fleurs d’acacia. Après cette récolte, je vais envoyer une partie de mes abeilles en montagne, pour qu’elles puissent profiter de la floraison des framboisiers, ou encore dans la Drôme provençale pour profiter des champs de lavande, mais aussi dans l’Isère, pour qu’elles soient à proximité des châtaigniers.
Concernant l’Isère, il est important de noter que de nombreuses personnes, artisans comme moi, ou encore des associations de défense de la nature et de protection du milieu aquatique, se sont soulevées contre le projet de chantier d’un Center Parcs à Roybon en Isère. En effet, il s’agit d’une zone à défendre puisqu’elle abrite une végétation diversifiée et aussi des cours d’eau naturels. »
Un apiculteur ne possède pas toujours de terrains ?
« Non. Pour ma part, je loue un terrain d’une centaine de mètres carrés, ce qui est largement suffisant. Il faut savoir que sur une palette d’1m20, on installe déjà près de 2 ruches. »
Comment s’étend votre réseau artisanal ?
« Je produis uniquement du local. Je me déplace dans toute la région Auvergne-Rhône-Alpes. J’habite dans la commune du Roussillon, au cœur du département de l’Isère. Je travaille avec mes abeilles dans le nord de la Drôme, en Ardèche et en Haute-Loire notamment. En tant qu’apiculteur, j’estime qu’il est nécessaire de bien définir un environnement adéquat pour mes abeilles. Il faut qu’elles aient de quoi manger pour se nourrir, éventuellement avoir du supplément pour l’apiculteur, qu’elles soient éloignées des cultures pour travailler dans les meilleures conditions possibles. »
Pierre tient un stand chaque dimanche au marché des Gratte-Ciel.Il vend ses bonbons naturels à un prix raisonnable.
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ABDOUS Sofia