Jérémy Biasiol : le combat du chef

À 46 ans, le chef cuisinier Jérémy Biasiol s’apprête à concourir pour le titre de Meilleur ouvrier de France - section gastronomie. Un challenge qui prend la forme d’une revanche : après une carrière internationale stoppée par quatre accidents vasculaires cérébraux, le Villeurbannais a dû tout réapprendre pour revenir aux fourneaux et agir en faveur d’une “véritable inclusion”.
Portrait de Jérémy Biasiol, chef cuisinier en lice pour le concours du Meilleur ouvrier de France

Formé auprès de grands noms de la gastronomie, dont Georges Blanc, Paul Bocuse ou Alain Ducasse pendant une douzaine d’années, Jérémy Biasiol a cuisiné pour les plus grandes tables, de Paris à New-York, de Londres à Shangaï.

L’étoilé

Installé à Hong-Kong où il enseigne la cuisine, le Chef obtient une des précieuses étoiles du Guide Michelin avec son restaurant Mirror. Mais en 2019, son parcours change brusquement de trajectoire : quatre accidents vasculaires cérébraux lui font perdre son œil gauche, une partie de son audition et de sa mobilité. S’ensuit une difficile période de rééducation et de dépression.

J’ai emménagé aux Buers, je ne voulais plus entendre parler de cuisine”... Pourtant, un jour, il se remet aux fourneaux pour faire un gâteau au chocolat : “ça m’a pris 5 heures, je ne savais même plus à casser des œufs, mais j’étais si fier d’avoir réussi. Ce jour où je me suis remis à cuisiner c’est aussi le jour où j’ai recommencé à parler à mes parents, à retisser des liens avec les gens”. Jérémy Biasiol enchaîne alors les petites victoires. “La cuisine a des vertus thérapeutiques, elle est créatrice de lien social”.

Deuxième chapitre 

On lui propose de se reconvertir, de s’orienter vers un emploi de bureau : “Je ne voulais pas de ça. Et un jour j’ai vu un chef en fauteuil roulant à la télévision. Je me suis dit, si lui y arrive, pourquoi pas moi ?”. Alors Jérémy Biasiol cuisine avec les enfants du quartier, s’engage auprès d’associations dont la sienne “À vos casseroles”, donne des cours, cuisine pour des centres hospitaliers ou pour des soirées caritatives, aide les personnes victimes d’accident à réapprendre à cuisiner… Et décide de participer à l’un des concours les plus exigeants du monde, celui du Meilleur ouvrier de France. “C’est une sorte de revanche pour moi parce que j’y avais participé pour la première fois en 2018. C’est aussi une manière d’agir en faveur d’une véritable inclusion, parce que je ne demande quasiment aucun aménagement”.

Pour Jérémy Biasiol, l’inclusion c’est en effet faire parler du handicap autrement que dans les sphères réservées : “C’est bien qu’il y ait des institution, des concours ou même des jeux olympiques réservés aux personnes en situation du handicap. Mais l’inclusion sera véritable quand on verra des personnes en situation de handicap concourir dans les mêmes compétitions ou travailler dans des restaurants étoilés avec des personnes sans handicap par exemple”.

Chef de haut niveau

Sa préparation pour le “MOF” est digne de celle d’un athlète de haut niveau. Pour le concours, Jérémy Biasiol est accompagné par une coach sportif, un coach mental, un coach cuisine… Seul point noir à l’horizon : les fonds nécessaires à la préparation : “Il faut financer toute la préparation nous-mêmes, les ustensiles, les ingrédients, les déplacement…”. Pour trouver des soutiens, il a donc lancé une cagnotte Leetchi.

Touché par son engagement, la salle de sport “L’Appart Fitness” de Villeurbanne lui a récemment proposé de l’aider en lui donnant accès à ses équipements. “Je suis ému des réactions autour de moi. Je suis presque autant enthousiasmé par l’aventure humaine que par le concours en lui-même !” confie le chef. 

Le saviez-vous ? 

Pluridisciplinaire, le concours du Meilleur ouvrier de France représente 230 métiers rassemblés en 17 groupes ou secteurs ; pour chaque secteur, il est organisé tous les 3 ou 4 ans et se déroule sur 2 ans. Pour la section cuisine-gastronomie, il comprend trois épreuves théoriques et techniques.

 

Dates clés

23 octobre 1979 : naissance à Lyon

1993 : stage chez La mère Brazier

1996 : obtention d’un BEP cuisine au lycée Jehanne de France

1996-2008 : commis puis sous-chef de Alain Ducasse

2010 : lancement du Mirror avec ses étudiants Hongkongais

2019 : quadruple AVC

2026 : participation au concours du Meilleur ouvrier de France

 

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