Aréna à Décines : « Une décision précipitée et dérogatoire » selon Jean-Paul Bret

Le maire de Villeurbanne Jean-Paul Bret est longuement intervenu lors du conseil métropolitain du lundi 16 décembre, lors du vote d'une délibération ouvrant la voie à la construction d'une salle multifonctions à Décines. Un projet porté par l'OL Groupe qui accueillera, outre des spectacles, certains matches de l'Asvel. La mise en oeuvre rapide d'une modification du PLU-H se fait dans un cadre dérogatoire qui a également gêné d'autres plusieurs groupes politiques.
La séance du conseil métropolitain du 19 décembre 2019.

Lors du conseil métropolitain du 16 décembre, le maire de Villeurbanne Jean-Paul Bret est intervenu à l'occasion d'une délibération concernant le projet d'aréna de l'OL Groupe à Décines, salle multifonctions de 16000 places qui accueillera certains matches d'Euroleague de l'Asvel. Le texte soumis aux élus métropolitains met en "compatibilité" ce projet et le plan local d'urbanisme et de l'habitat (PLU-H)... pourtant voté en mai dernier après 7 années d'études et de concertation. Voici l'intervention de Jean-Paul Bret : 

« Lorsque j’ai pris connaissance pour la première fois de cette délibération, j’ai ressenti de la surprise et même de la sidération.  Je vais vous traduire mon sentiment en trois grandes interrogations. La première question porte sur la méthode : quel est le chemin d’une délibération ? Certaines d’entre elles empruntent en effet des chemins tortueux avant d’arriver jusqu’à nous. La délibération qui concerne le projet d’Arena à proximité du grand stade de Décines en fait incontestablement partie. 

Après avoir été ajoutée puis retirée au dernier moment du conseil de novembre, là revoilà au conseil de décembre, toujours à l’ordre du jour complémentaire. Elle revient sous une forme et surtout avec un calendrier modifié : la concertation prévue initialement avant les élections municipales ne sera, à la demande des garants désignés par la commission nationale du débat public, organisée qu’après ces mêmes élections. Ces tergiversations, ces allers et venues, finissent par semer le doute quant à la nécessité et même l’urgence d’examiner cette délibération maintenant. On se demande bien pourquoi et plus encore avec quelle intention !

Le deuxième groupe de questions porte sur l’usage qui est fait d’une telle concertation. La commission du débat public s’est prononcée sur le sujet le 31 juillet après une saisine faite conjointement par le président de OL groupe et le président de la Métropole, le 16 juillet dernier. Soit moins de deux mois après l’adoption définitive de la révision du PLU-H par le conseil de la métropole. Cette révision, adoptée après plusieurs enquêtes publiques, a fait l’objet de neuf délibérations du conseil métropolitain. Tout cela sur une durée de presque sept ans. Et voilà qu’à peine cette délibération adoptée, le Président de la Métropole organise une procédure visant à mettre en compatibilité le PLU-H avec un projet dont il s’agit de reconnaître l’intérêt général. Fin 2020, le permis de construire d’une salle multifonctions à Décines serait en mesure d’être instruit au regard d’un PLU-H rendu compatible. 

Sept ans d’un côté, une année de l’autre. Qu’est-ce qui justifie une telle différence de traitement et d’organisation ? D’autant que, fin 2020, si nous poursuivons la réflexion jusqu’au bout, notre PLU-H présentera l’étrange singularité de proposer deux lieux destinés à la réalisation d’une salle multifonctions, l’un à Villeurbanne, l’autre à Décines. La procédure de révision utilisée ici, a un caractère exceptionnel ou du moins particulier. Elle correspond normalement à des projets portés directement par des collectivités publiques. Or, l’engagement de la procédure de déclaration de projet par vous-même, monsieur le Président, ne transforme pas pour autant le projet de l’OL groupe en un projet public. Cette procédure témoigne plutôt de l’empressement du Président de l’OL groupe, dont vous êtes devenu l’exécutant zélé.

« Satisfaire avant tout des intérêts économiques privés »

Le fait d’avoir saisi, au cœur de l’été, en catimini, la commission nationale du débat public pour qu’elle désigne des garants de la concertation, est de nature à conforter mon propos. Elle ne suffit pas en effet à légitimer une procédure dérogatoire sans information ni concertation préalable des élus métropolitains concernés. La réalité — brutale — est que nous sommes ici dans le dévoiement d’un outil de planification et dans le détournement d’une procédure pour aller plus vite et faire prendre une décision, sans retour possible, afin de satisfaire avant tout des intérêts économiques privés et même un intérêt particulier.

J’en arrive à ma troisième question. Le SCOT (schéma de cohérence territoriale) nous impose à juste titre de construire une métropole multipolaire et équilibrée. Ce projet, au contraire, va à l’encontre de cet objectif, puisqu’il contribue à une concentration : football, basket et bientôt tennis. L’OL City, ainsi que la dénomme lui-même l’OL groupe, se prépare à regrouper l’ensemble des équipements sportifs et événementiels d’ampleur de l’agglomération. Sans doute autour d’un complexe hôtelier et commercial. Un regroupement au mépris de toute logique d’équilibre dans l’exploitation des grands équipements déjà existant de l’agglomération, halle Tony-Garnier ou Transbordeur. Un regroupement au mépris également de toute logique d’aménagement du territoire et de développement local. Force est de constater que l’OL City sera tout sauf un morceau de ville. 

Le processus engagé vise avant tout à concentrer les équipements, les infrastructures routières et de transport, pour rentabiliser ces investissements privés. Ce sera un temple de la consommation du sport et des spectacles. Des équipements fondés exclusivement sur le loisir marchand. Des espaces privés qui ne seront accessibles qu’à condition d’ouvrir le porte-monnaie.

« OL Groupe propose, la Métropole s’exécute »

Cette OL City a des airs d’Europa City. Mais si le Mégacomplexe imaginé au nord de Paris a été jugé "daté et dépassé" par le Président de la République qui l’a jeté aux oubliettes, ici le Président de la Métropole déroule le tapis rouge. Alors que les projets communaux ou plus généralement les projets publics doivent attendre les modifications du PLU-H tous les deux ans, certains projets portés par des opérateurs privilégiés bénéficient d’une forme d’empressement, voire d’une forme d’allégeance. Le Président d’OL Groupe propose, la Métropole s’exécute. Il y a dans le processus sur lequel nous délibérons une incroyable, une incontestable continuité dans les pratiques.

Pour vous, Monsieur le Président qui cherchez à vous différencier de votre prédécesseur, on assiste là à du Collomb sans Collomb et même davantage. Assisterions-nous à la naissance d’une soixantième commune au sein de notre métropole ? Une commune qui ne s’inscrit dans aucune conférence territoriale, mais dont le "maire" a assurément l’oreille du président. Car cette OL City, se construit sur des promesses d’attractivité, de création d’emplois mais sans contrainte publique et encore moins sans contrainte démocratique.

Mes chers collègues, je ne siégerai plus dans cette assemblée à partir du printemps prochain. Cela me donne une certaine liberté mais aussi et surtout le devoir de dire que nous portons une grande responsabilité démocratique : celle de ne pas permettre qu’au mépris des échéances électorales, soit prise une décision qui engagera le prochain exécutif métropolitain. Une décision prise de manière précipitée et dérogatoire, fragile juridiquement et incompréhensible démocratiquement. C’est cette responsabilité qui me conduit à vous demander de bien vouloir retirer cette délibération ».

La délibération a été adoptée après que plusieurs groupes politiques ont également émis des réserves sur le caractère précipité et dérogatoire de cette modification du PLU-H.

 

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