Portrait - Les mille et une vies de Nadège Prugnard

Créatrice au parcours engagé et nouvelle directrice des Ateliers Frappaz de Villeurbanne, Nadège Prugnard est aussi autrice de plus de 60 pièces en 20 ans. Une artiste qui rassemble et transmet. Avec énergie et enthousiasme.
Nadège Prugnard, nouvelle directrice des Ateliers Frappaz de Villeurbanne.

Nadège Prugnard, nouvelle directrice des Ateliers Frappaz de Villeurbanne.

À l’écouter raconter avec passion ce qui l’anime depuis 25 ans, on pourrait croire que devenir comédienne était un rêve de longue date. Et pourtant, « c’est le théâtre qui m’a choisie », explique d’emblée Nadège Prugnard. Au départ, elle se destine plutôt à des études de philosophie. Mais un contrat de comédienne associée à la scène nationale de Clermont- Ferrand lui permet de faire ses premiers pas sur les planches. Une expérience qui la pousse… à arrêter.

C’est finalement à Marseille en assistant à une pièce d’Eugène Durif et de Jean-Louis Hourdin, « que j’ai entendu ce que je voulais : le théâtre est un espace de liberté où on peut questionner le monde. Ils m’ont incitée à poursuivre un parcours artistique ». Nadège Prugnard se plonge alors dans l’écriture. Et c’est une performance, Monoï, qui la révèle (voir bio). Les créations s’enchaînent, toujours sur des sujets extrêmement sensibles : « Je me suis penchée sur le suicide des paysans, les femmes kamikazes au théâtre de Moscou en 2004, les migrations, pour lesquelles j’ai passé deux ans dans la jungle de Calais, la mort au Mexique ou les migrations portugaises sous Salazar, qui faisaient écho à ma propre histoire. » En plus de sa mission « d’autrice qui recoud la langue », elle s’est aussi investie en tant qu’artiste associée (théâtre d’Aurillac, centre dramatique national de Montluçon, Biennale des écritures du réel à Marseille).
« L’écriture me permet de tout traverser. Je suis une artiste qui travaille en salle et en rue, mais aussi pour la scène musicale, des danseurs et des circassiens ». Sans compter le devoir de transmission qui l’anime, avec des ateliers d’écriture auprès de lycéens, de détenus, de personnes en situations de handicap… Une intense énergie qu’elle met désormais au service des Ateliers Frappaz.

— sa bio 
1975 : naissance à Beaumont
2002 : projet Fado dans les Veines
2003 : Monoï, 1ère performance pour la scène nationale de Clermont-Ferrand
2014 à 2016 : Séjours dans la jungle de Calais en autonomie pour rencontrer les migrants et publier No Border
2018 : écriture et mise en scène de Women 68, même pas mort

 

Une partie de l'équipe des Ateliers Frappaz autour de Nadège Prugnard.

Son regard sur Villeurbanne...

Une ville de rêve

« Je connaissais peu Villeurbanne avant de candidater. J’ai donc fait des recherches. Et là, heureusement que j’étais assise. Je me suis dit « Mais ce n’est pas possible, je n’ai jamais vu ça en France ! » Ça rejoignait toutes mes convictions : le sens de l’accueil, avec les migrants et les Ukrainiens par exemple, la question du matrimoine et la réflexion autour de la place des femmes dans notre société, … J’ai aussi découvert le Rize, ce lieu de ressources infinies pour n’importe quel artiste, le CCO… C’est la ville de rêve, par ses engagements politiques, par la façon dont les opérateurs culturels travaillent sur les dynamiques partenariales, par ces désirs croisés qu’on peut mettre en commun, et par ce festival, Les Invites, unique en France car né avec et pour les habitants ».

Son actualité...

L’arrivée aux Ateliers Frappaz

« C’est un honneur, tout autant qu’un challenge ». En prenant, le 1er janvier dernier, la direction des Ateliers Frappaz à la suite du fondateur Patrice Papelard, « qui a fait des choses extraordinaires et formidables », Nadège Prugnard a conscience du défi qui l’attend : « Je suis très heureuse de pouvoir m’inscrire dans une aventure d’envergure, qui s’annonce exaltante et passionnante. Et je regarde désormais l’avenir ». Car elle estime que le théâtre est à un tournant : évolution des esthétiques de l’art de la rue, départ à la retraite  de dirigeants de compagnies historiques rétrécissement des libertés en espace public… « On ne peut plus faire du théâtre comme on l’a fait dans les années 80. Il faut donc réfléchir à comment on invente un autre chemin ». Sa mission, désormais ? « Écrire une autre route, qui va ouvrir de nouveaux possibles ».

 

> Les Invites reviennent en 2024

Rendez-vous du 19 au 22 juin. Le programme sera connu prochainement.

 

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