Palais d'hiver : l'histoire d'un music hall

Il a des rencontres dues au hasard qui façonnent une vie entière. Telle est l’histoire de Pierre Peyroche, qui de serveur devint l’un des piliers du célèbre Palais d’Hiver, lieu mythique des nuits lyonnaises de 1920 à 1986.
Palais d'hiver : l'histoire d'un music hall

« Je cherchais du boulot et j'ai été convoqué par Roger Lamour, le patron du Palais d'Hiver qui, lui, cherchait un serveur et m'a embauché direct. » Pierre Peyroche, gouailleur et culotté décroche le poste sans rien connaître au métier : « Je ne savais même pas ouvrir une bouteille de champagne ». C’est en 1959, il a 25 ans. Commence alors une carrière de 26 ans à côtoyer les plus grandes stars du showbiz. Très vite, surnommé "l'homme aux douze bras", le jeune serveur prend du galon jusqu'à devenir responsable du personnel, soit une cinquantaine d'employés. "Je passais ma vie au boulot. J’ai toujours adoré mon travail, j’avais l’impression d’aller m’amuser. Je rentrais à 5 heures avec des confettis sur la tête et je croisais les autres qui allaient travailler ». Pierre Peyroche habitait au Tonkin, tout près de son Palais d’Hiver qu’il retrouvait dès 9 heures. Son médecin de famille lui prédisait une mort prématurée en raison de son rythme de vie. Aujourd’hui, le médecin est mort et lui se porte comme un charme.

Sa vie fourmille de souvenirs. Des soirées bien arrosées avec Eddie Barclay ou Bruno Coquatrix, le patron de l’Olympia parisien, à la fermeture éclair coincée de Sylvie Vartan, Pierre Peyroche enchaîne les anecdotes. « Un jour Bruno Coquatrix m’a appelé pour que je prenne un spectacle de Georgette Lemaire avec Mireille Matthieu en première partie. Personne ne la connaissait. Elle était particulièrement stressée parce qu’elle avait perdu sa robe de scène qu’elle a retrouvé au dernier moment. Elle a chanté trois chansons d’Edith Piaf et le public l’a acclamée. Je peux vous dire que Georgette Lemaire, après, c’était difficile. J’ai dit à Mireille Matthieu : « L’année prochaine, vous reviendrez en grande vedette et cela a été le cas. Faut dire que je ne me trompais pas, dès que j'entendais quelqu'un chanter, je savais s'il aurait du succès ou pas… »

D’innombrables temps forts se bousculent dans la mémoire de Pierre Peyroche : la soirée de gala avec Charles Aznavour et les tables nappées exceptionnellement de blanc, "la grande farandole musicale avec Lionel Hampton et ses musiciens remontant le boulevard Stalingrad suivis des deux mille spectateurs », le succès fou de la comédie musicale Hair et de « ses artistes nus dont le jeune Julien Clerc », le record d'affluence pour Georges Brassens avec une salle pleine à craquer…

En revanche, si la venue des Beattles a été fortement encadrée pour cause de débordements connus partout ailleurs, le music-hall, plein de CRS, n’a pas eu à déplorer de dégâts. Mais cela a été le cas quelque temps plus tard avec les Elucubrations d’Antoine. « Ils ont cassé 1500 chaises sur 2000 et des tables. »

« Si le Palais d’Hiver n’avait pas fermé, j’y serais encore ! », s’exclame Pierre Peyroche, avec une pointe de nostalgie. Il est vrai qu’aucun lieu depuis n’a remplacé cet Olympia lyonnais qui a vu défiler les stars de toutes les époques : Mistinguett, Fernandel et Joséphine Baker dans les années 30, puis Edith Piaf, Dario Moreno, Henry Salvador et les Platters dans les années 50. Sans compter les idoles des sixties : Johnny Halliday, Françoise Hardy, les Chaussettes noires, Chuck Berry, les Rollings Stones et les grands noms de la chanson Française : Barbara, Jacques Brel, Charles Aznavour, Yves Montand ou encore Jacques Dutronc et Georges Brassens. Le Palais d’Hiver a aussi connu des heures sombres : incendie en 1962, suicide de Roger Lamour le 5 octobre 1974 puis accident de voiture mortel de son fils Pierre-Yves Lamour le 9 juin 1981, mettant fin à l’aventure d’une dynastie. A la fin de l’été 1988, c’en est fini du Palais d’Hiver. Les tentatives pour le classer monument historiqus sont restées vaines. Les bulldozers démolissent le music-hall.

 

ET LE PALAIS D'HIVER FUT

Au tout début du XXe siècle, le Palais d’Hiver était en fait une piscine, inaugurée le 3 février 1908. Située entre l’actuel boulevard Stalingrad et les rues Louis-Guérin, Charpenay et Jean-Novel, elle accueille une patinoire en 1914. En 1920, les frères Lamour transforment la piscine-patinoire en une salle de bal. Le Palais d’Hiver est né et accueille 3000 personnes dès le premier soir. Les élégantes s’y pressent. Parmi elles, celle qui deviendra Miss France en 1929 et, surtout, l’épouse de l’Aga Khan: la très belle bégum Yvette Labrousse.

Dès les années 30, le Palais d’Hiver accueillera les plus grandes vedettes. Et si l’établissement ferme ses portes pendant la guerre, c’est pour mieux les rouvrir dans les années 50 avec les incroyables marathons de danse où des couples venaient de tout pays danser jour et nuit. Bals, banquets, galas, concerts, le Palais d’Hiver, c’est l’histoire d’un music-hall mythique. L’histoire d’une dynastie aussi. Celles des Lamour. A Pierre Lamour succède son fils Roger à la fin des années 50. Mais ce dernier mourra tragiquement en 1981, tout comme son propre fils Pierre-Yves, quelques années plus tard.

 

A lire aussi