L'HISTOIRE - De l’AS Villeurbannaise à l’OL
1 mars 2014
Photo de couverture : L’équipe du LOU en 1922
À la fin du 19e siècle le sport devient à la mode et les associations d’athlétisme, de tir, de vélocipède ou de boules fleurissent un peu partout. Idem pour le foot. Lui nous arrive d’Angleterre, où il existe depuis le Moyen Âge. Nos voisins d’Outre-Manche l’introduisent d’abord à Paris puis à Lyon quelques années plus tard, avec la fondation en 1893 du Football Club de Lyon par des élèves du Lycée Ampère. Ce club est d’abord très select, puisque les 44 membres du FCL alignent le consul d’Angleterre, des avocats, des fils d’industriels contre un seul ouvrier. Leur premier match se tient il y a exactement 120 ans, le dimanche 25 mars 1894. Il oppose les joueurs du FCL aux marcheurs du Club Pédestre de Lyon, recrutés pour l’occasion, et se déroule sur les pelouses, encore villeurbannaises à l’époque, du parc de la Tête d’Or.
Le nouveau sport fait vite des émules, aussi la presse locale lui ouvre-t-elle ses pages : « le Foot-Ball est à l’ordre du jour et nous consacrerons chaque semaine quelques lignes à cet intéressant jeu moderne qui vient de s’implanter dans notre ville ». Il n’en faut pas davantage pour convaincre le FCL de se doter de son propre terrain ; à partir d’octobre 1894 il loue un gazon sur l’hippodrome du Grand-Camp, à l’emplacement de l’actuel campus de la Doua. Le club s’y installe illico, sous les yeux d’un journaliste ravi « de voir s’entraîner au Grand-Camp, les vaillantes équipes de notre Foot-Ball-Club lyonnais. Plusieurs Anglais bien connus y ont fait admirer leur adresse et leur agilité » (Le Nouveau Lyon, 22/11/1894). Football, vous avez lu comme moi. Sauf que le ballon posé sur l’herbe villeurbannaise n’est pas rond mais ovale… Les Anglais ont en effet exporté chez nous non pas un mais deux sports, le football-rugby, qui se joue avec les mains, et le football-association, qui se joue avec les pieds. Le premier a d’abord les faveurs des sportsmen lyonnais, qui ne se convertissent au ballon rond qu’à l’aube du 20e siècle. « Demain à Lyon, clame le journal Lyon-Sport, on inaugurera le Football-Association par deux matches, les premiers qui se joueront dans notre ville ». Et c’est ainsi que le dimanche 29 novembre 1903, l’Athlétique de Genève affronte le FC Lyon sur son terrain habituel, au Grand-Camp.
Les premiers buts passionnant les foules, les équipes et les terrains de jeu se multiplient. En voici au parc de Bonneterre, près de la place Grandclément, où l’on « matchait » déjà au rugby en 1895 ; en 1899 à Cusset, qui devient le QG des équipes du LOU ; en 1905 à Croix-Luizet ; puis aux Charpennes, où s’installe l’Amicale du quartier – l’ancêtre de l’Asvel . La presse ovationne ces nouvelles installations ; les terrains de Croix-Luizet « sont clos de barricades et la pelouse est excellente », lit-on dans Lyon-Sport. Pourtant bien des progrès restent encore à faire, même dans le doyen des stades, au Grand-Camp : le 28 février 1904, le Football-Club de Lyon et le Lyon-Olympique disputent le premier match comptant pour le championnat du Sud-Est, sous les huées des supporters : « Les poteaux de buts n’avaient pas la hauteur réglementaire, l’arbitre l’aurait même constaté ; le FCL, qui jouait sur son terrain, n’avait pas fait tracer de lignes, ainsi que cela est exigé pour tous les championnats ».
Le stade Georges-Lyvet, derrière la piscine d’été.
Les clubs s’investissent pourtant sans compter dans leur sport préféré, mais ils ne disposent que de leurs seuls deniers pour s’équiper. Les communes ne prennent leur relai qu’à partir des années 1920-1930, en construisant des stades municipaux. La première à se lancer est Lyon, qui inaugure celui de Gerland en 1926, suivie par Paris en 1929 avec le parc des Princes, Marseille en 1935 ou encore Grenoble en 1937. Villeurbanne figure une fois de plus parmi les pionniers. Dès 1929, le conseil municipal de Lazare Goujon vote à l’unanimité l’aménagement d’un stade près de l’usine hydroélectrique de Cusset, sur un terrain appartenant à la Société des Forces Motrices du Rhône. Un an plus tard, la ville s’offre pour 2 millions de francs une pelouse de 11 500 m2 dotée de tribunes pouvant accueillir 7 000 spectateurs, et qui fut baptisée « stade Georges Lyvet » après la Seconde guerre mondiale, en hommage à ce grand résistant. Le terrain vague ayant cédé la place à un écrin de choix pour le ballon rond, il ne lui manquait plus que les joueurs appropriés.
Ainsi fut fait : en 1933 le président du Football-Club de Lyon, Jean Mazier, forme la première équipe professionnelle de l’agglomération et la place en 1934 sous la bannière de l’Association Sportive Villeurbannaise. Dès leur première saison, les maillots blancs de l’AS Villeurbannaise – Zog, Kramer, Schultzendorf, Costamagna, Boesinger, Bellinza, Raynaud, Vadas, Mioch, Gallos, Mercier, remportent une série de victoires qui les mène jusqu’en 16e de finale de la coupe de France. Hélas, la saison suivante n’est pas aussi bonne et l’équipe, rebaptisée Lyon-Olympique-Villeurbanne, doit raccrocher ses crampons en 1936. Son nom fut repris en 1950 lorsque naquit… l’OL.
Extrait du journal La voix du peuple en 1936.
Repères :
776 av. JC : naissance des compétitions sportives autour du sanctuaire de Zeus, à Olympie (Grèce)
4e-5e siècle ap. JC : fin des Jeux Olympiques
1823 : l’Anglais William Ellis crée un nouveau sport dans la ville de Rugby
1894 : un congrès international réuni par le baron Pierre de Coubertin décide de recréer les Jeux Olympiques
1896 : premiers Jeux Olympiques « modernes », à Athènes
1900 : deuxièmes Jeux Olympiques modernes, à Paris
1919 : construction du stade de Gerland à Lyon, en vue d’accueillir des JO
1924 : premiers Jeux Olympiques d’hiver, à Chamonix
1930 : construction du stade municipal de Villeurbanne
1934 : inauguration des Gratte-ciel
1935-1939 : Camille Joly, maire de Villeurbanne
L’heure de gloire : le match contre le Spartak
Dimanche 5 janvier 1936. Près de 10 000 spectateurs s’entassent sur les tribunes du stade municipal de Villeurbanne. Jamais il n’a connu une pareille affluence. Et pour cause, une sélection de joueurs de l’agglomération lyonnaise accueille le Spartak de Moscou, l’une des plus célèbres équipes de foot de la planète. L’événement réjouit la municipalité communiste du maire Camille Joly, élue en 1935, et comble les amoureux du ballon rond. Ils assistent à un match magistral, le Spartak déroulant un « jeu classique, fin et racé », et une belle virtuosité. Les joueurs lyonnais eux, ne sont pas à la fête : « quelques minutes étaient à peine écoulées que Stefanor recevant une passe de Velitckhine, battait une première fois, d’un shoot à ras terre, le gardien de but (Martinez) ». À la fin de la 2e mi-temps le score est sans appel : le Spartak bat la sélection lyonnaise par 11 buts à 0 ! « Bah ! Qu’importe ! », conclurent les journalistes. « Paix à la jeunesse qui dépense son énergie sur les seuls terrains de sport ».
Les joueurs du Spartak Moscou, en 1936.
Le menu de la réception en l’honneur du Spartak, signé par les joueurs.
Par Alain Belmont, historien
Sources : Journaux Le Nouveau Lyon, Lyon-Sport, Le Rappel Républicain, Lyon-Républicain, Le Progrès, 1894-1936. Archives de Villeurbanne (Le Rize), 2 C 18, 4 C 600 et 601, 1 D 277 et 286.