L'HISTOIRE - Paul de Longpré, un Villeurbannais à Hollywood avant le cinéma

« Des roses sous le houx », tel aurait pu être le titre de ces pages, sauf que… le houx n’a jamais pu pousser à Hollywood, contrairement aux milliers de roses du peintre et horticulteur villeurbannais, Paul de Longpré.
En 1889, Paul de Longpré remporta une médaille d’argent à l’exposition universelle de Paris pour une huile intitulée Fleurs estivales. Ici, Roses and bumblebee, 1898.

En 1889, Paul de Longpré remporta une médaille d’argent à l’exposition universelle de Paris pour une huile intitulée Fleurs estivales. Ici, Roses and bumblebee, 1898.

Paul Maucherat de Longpré est né au sein d’une famille aristocratique à Villeurbanne, le 18 avril 1855. Il est le fils de Marie-Thérèse, créole martiniquaise, et de Victor (Jean-Marie-Antoine-Victor de Longpré), dessinateur et ornementiste de la fabrique dont on peut voir 147 des dessins au Musée des tissus. Initié par les siens dès l’âge de 12 ans – ses deux frères étaient également peintres – Paul de Longpré va exposer à Lyon, puis dans les salons parisiens de 1876 à 1890, année où il s’embarque pour les États-Unis avec sa famille, après un revers de fortune. Il a 35 ans. Les peintres Bonnat et Gérôme le recommandent au consul de France à New-York.
Il y reste 8 ans, pendant lesquels il expose avec succès dans les grandes villes américaines. Mais le climat ne lui semble pas assez ensoleillé et les fleurs locales ne l’inspirent guère. En 1899, Paul de Longpré s’installe en Californie.
Quelques années auparavant, en 1883, un "carpetbagger" du nom de Harvey Henderson Wilcox s’était établi dans cette même terre promise et avait ouvert une agence immobilière à Los Angeles. Trois ans plus tard, il achetait soixante hectares de terrain à l’ouest de la ville. Au cours d’un voyage, le nom d’une ferme (Hollywood, littéralement bois de houx en anglais) plut à son épouse Daeida et le Cahuenga Valley – Wilcox Ranch devint le Hollywood ranch. Même si le houx importé d’Angleterre ne poussa jamais dans ce pays chaud !

La maison entourée de jardins de Paul de Longpré, sur Hollywood Boulevard, détruite en 1927. (©image-archeology.com)

La maison entourée de jardins de Paul de Longpré, sur Hollywood Boulevard, détruite en 1927. (©image-archeology.com)

Pas de houx, mais des roses

En échange de trois tableaux, madame Wilcox donna trois parcelles de terrain à Paul de Longpré, le long de l’actuel Hollywood Boulevard. Le peintre, horticulteur et musicien allait dès lors rehausser le niveau culturel de ces pionniers, d’autant qu’il fit construire en 1901 par l’architecte canadien Jean-Baptiste Bourgeois, une demeure monumentale dans un style hispano-mauresque dit « des Missions » jusque-là inédit à Los Angeles. The House devient une attraction que l’on visite, avec une galerie d’art où Paul de Longpré peut vendre aussi bien des aquarelles originales que des reproductions lithographiques. Le « Roi des fleurs » (titre qu’on lui donna au tout début du siècle) règne sur 4 000 plants de roses – la main-d’œuvre mexicaine n’est pas chère –, circule à bicyclette dans le quartier. Les roses qu’il a plantées sont source d’inspiration pour ce peintre floral au trait très précis. Chaque année, il expose ses œuvres dans sa demeure. Œuvres qu’il écoule en grande partie à New York et au prix fort.
L’épouse de Paul de Longpré donne des soirées très courues : cuisine française toujours ! Quant à l’architecte canadien, Jean-Baptiste Bourgeois, il dispense des leçons de français aux trois filles : Blanche, Alice et Pauline et… épouse plus tard Alice.
La première décennie du XXe siècle verra le développement du cinéma : les studios vont se multiplier. En 1909, D.W. Griffith réalise le premier film tourné à Hollywood : In Old California. Avec son opérateur Billy Bitzer, ils filment l’année suivante Mary Pickford dans le jardin de Paul de Longpré pour Love Among the Roses. Mais le peintre ne connaîtra pas le développement de cette nouvelle industrie. Il meurt dans sa maison en 1911, à 56 ans. Sa famille, dès lors, retourne en France. Le jardin est démoli en 1924 et la bâtisse en 1927. Restent aujourd’hui une rue longue de trois kilomètres, De Longpré Avenue, parallèle au célèbre Sunset Boulevard et un jardin public, De Longpré Park. Ainsi que de très nombreuses roses peintes, toujours bien cotées outre-Atlantique.

Bernard Chardere et Louis Simonci

©Lacma

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Du houx à la pellicule

Hollywood a été créé par un couple originaire du Kansas ayant fait fortune dans l’immobilier : Harvey et Daeida Wilcox. En 1886, le couple achète un terrain d’une soixante d’hectares, baptisé Hollywood, à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Los Angeles, qu’il revend par lots. Le village, alors distant de 11 km de Los Angeles, grandit peu à peu (500 habitants en 1900). Le houx anglais planté pour justifier son nom, lui, ne s’acclimate pas. Le cinéma, en revanche, s’y épanouit dès les années 1910. Le climat, les décors naturels, les terrains à bas prix, attirent une industrie naissante. Les studios vont tant et si bien y prospérer que Hollywood, annexé en 1910 par Los Angeles, devient dès la Première Guerre mondiale, la capitale mondiale du cinéma.

Repères

XVIe siècle : découverte de la Californie par des explorateurs européens.
1542 : le Portugais João Rodrigues Cabrilho repère la baie de Los Angeles.
1769-1770 : premières missions espagnoles
en Californie.
1781 : le Père Crespi baptise le village indien Yong Na du nom de : « El pueblo de Nuestra Señora, la Reina de Los Angeles ». Abrégé
en Los Angeles.
1822 : la Californie est annexée par le Mexique.
1848 : Les États-Unis emportent la région après la guerre contre le Mexique.
1860 : 2 600 habitants à Los Angeles.
1876 : arrivée du chemin de fer.
1900 : 100 000 habitants.
Début du XXe siècle : découverte de gisements pétroliers, développement de l’industrie aéronautique et cinématographique.
1910 : Los Angeles annexe Hollywood.

 

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