Un Villeurbannais général de Napoléon Ier

Benoit Meunier eut un destin extraordinaire. Né à Villeurbanne, il brilla sur moult champs de bataille de la Révolution et de l’Empire, au point de voir son nom gravé sur l’arc de triomphe à Paris.
Un Villeurbannais général de Napoléon Ier

2 décembre 1805. L’hiver n’est pas encore là, mais il fait déjà un froid glacial sur l’Europe centrale. A une centaine de kilomètres au nord de Vienne, la capitale de l’Autriche, les troupes d’Alexandre Ier, tsar de Russie, et celles de François Ier, empereur d’Autriche, s’apprêtent à affronter les Grognards de l’empereur Napoléon Ier. Trois empereurs et 160.000 hommes se font face, prêts à livrer bataille pour décider du sort de l’Europe. Dans le lot se trouvent quelques Villeurbannais. Benoit Meunier est l’un d’eux. Officier d’infanterie, chef de bataillon pour être précis, il combat sous les ordres du maréchal Lannes. Pour l’heure il attend, pris dans le brouillard noyant le champ de bataille. Napoléon a massé le gros de ses troupes sans que l’ennemi le sache, et espère que Russes et Autrichiens le contourneront par la droite, en présentant leurs flancs. Alors il pourra attaquer, et peut-être obtenir la victoire. Vers 9 heures, le soleil perce enfin la brume et apparait, resplendissant. La manœuvre de Napoléon trompe l’ennemi, qui voit le piège des Français se refermer sur lui. La victoire est totale. Napoléon exulte. « Soldats, je suis content de vous », écrit-il. « Il vous suffira de dire ‘‘j’étais à la bataille d’Austerlitz’’, pour que l’on réponde ‘‘voilà un brave’’ ».

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Notre concitoyen, Benoit Meunier, vit à Austerlitz l’un des moments forts de sa carrière. Pourtant, il n’a rien d’un débutant dans le métier des armes. Né à Villeurbanne le 28 novembre 1769, il s’est engagé dans les troupes royales en 1784, alors qu’il n’avait pas 15 ans. Du fait de ses origines modestes, son enrôlement ne lui promet pas une bien belle carrière car sous l’Ancien Régime, les grades d’officier sont réservés aux membres de la noblesse. Mais arrive la Révolution française, qui ouvre pour lui les chances de promotion. Nommé sous-lieutenant en 1792, il participe aux campagnes de la toute jeune république, d’abord dans le nord-est de la France, où les alliés du roi Louis XVI tentent d’envahir le pays, puis en Bretagne et en Vendée, pour combattre la révolte des Chouans. C’est là, en mars 1793, qu’il obtient ses galons de capitaine et se marie, à Vannes, le 26 novembre 1797, avec une Bretonne nommée Marie-Françoise Malherbe. Puis, de 1800 à 1802, il est envoyé en Italie, où combattent les troupes de Bonaparte. Il vole alors de succès en succès, faisant preuve de courage, de tactique, et de capacités de meneur d’hommes. Ainsi le 9 juin 1800, à la bataille de Montebello, il « fait 600 prisonniers avec sa compagnie de carabiniers », tandis que cinq jours plus tard, à la bataille de Marengo, il est « blessé d’un coup de mitraille au bras gauche ». Il s’en remet et, après avoir rejoint la Grande Armée, participe jusqu’en 1806 à toutes les campagnes menées par Napoléon en Europe centrale, notamment à la fameuse bataille d’Austerlitz.

De 1807 à 1813, notre Villeurbannais gagne l’Espagne et le Portugal, où il est promu au grade de colonel, et prend part une fois de plus à des combats glorieux, dont la prise de Cordoue. Dès lors, il s’attire les faveurs de l’empereur, qui le fait officier de la Légion d’honneur, et même baron d’empire en 1810 : Benoit Meunier devient ainsi le « baron Saint-Clair ». Enfin, honneur suprême, par une lettre envoyée de Dresde le 4 août 1813, Napoléon le nomme général. Mais la chute de l’Aigle l’entraîne avec lui. La conquête de l’Espagne se solde par un fiasco, qui pousse les troupes françaises à battre en retraite. Attaquée de toutes parts, la France est envahie une première fois en 1814, puis une seconde en 1815, après la défaite de Waterloo. Le général Meunier-Saint-Clair prouve à nouveau sa bravoure en défendant Belfort, ce qui lui vaut une énième blessure, une jambe brisée par une balle autrichienne. Cette fois, c’en est fini du Premier Empire. Disgracié par le roi Louis XVIII, Benoit Meunier met son sabre au service du tsar Alexandre Ier, puis revient en France où il est réintégré dans son grade, avant de finir sa carrière en 1834. Il est mort à Lyon, « rue Martin », le 4 janvier 1845, et repose à présent dans l’ancien cimetière de La Guillotière.
Rubrique écrite par l'historien Alain Belmont.

Des archives maquillées
Benoit Meunier était d’origine modeste. La preuve, sur son acte de naissance conservé aux archives du Rhône, il est dit « fils de Jean Claude Meunier, cabaretier a Villeurbanne ». Sauf que l’exemplaire des registres paroissiaux conservé aux archives municipales de Villeurbanne, raconte une tout autre histoire : son acte de naissance le dit cette fois fils d’un « rentier a Villeurbanne ». La nuance est de taille, car entre un homme servant des coups à boire dans une auberge, et un bourgeois vivant du revenu de ses domaines, il y a toutes les marches de l’escalier social. Cette différence entre les deux actes n’est pas anodine. En effet, sur le registre villeurbannais le mot « rentier » a été rajouté d’une plume épaisse, qui couvre imparfaitement le mot initial de « cabaretier ». Quelqu’un a sciemment voulu faire croire que le général Meunier était né de la cuisse de Jupiter, et non d’un aubergiste. L’auteur de ce camouflage ? Le propre maire de Villeurbanne, Jacques Poizat. En 1816, c’est en effet lui qui emploie pour la première fois l’expression de « rentier », pour les besoins du dossier de la Légion d’honneur de Benoit Meunier. Il en allait sans doute de l’honneur de Villeurbanne !

Repères
15 août 1769 : naissance à Ajaccio de Napoléon Bonaparte
1799 : le général Bonaparte prend le pouvoir (« coup d’Etat du 18 brumaire »)
1806 : Villeurbanne compte 1834 habitants
1804 : Napoléon est couronné empereur
1810 : Napoléon épouse Marie-Louise d’Autriche. L’empire atteint son apogée
18 juin 1815 : défaite de Waterloo
22 juin 1815 : abdication de Napoléon
1814-1815 : le Congrès de Vienne réorganise l’Europe d’après Napoléon
5 mai 1821 : décès de Napoléon Bonaparte sur l’île de Sainte-Hélène, dans l’Atlantique sud
1907 : le livre d’un historien lyonnais, pourtant bien informé, fait naitre Benoit Meunier… à Lyon !

 

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