3 questions à Matthieu Adam - Chercheur post-doctorant au LabEx IMU, membre du Laboratoire Aménagement Économie Transports
23 août 2019
Quelle analyse faites-vous de cet engouement des Grands Lyonnais pour la pratique du vélo ?
Pour une agglomération européenne de cette taille, la Métropole de Lyon partait de relativement loin en termes de part modale (1) et cette hausse est en quelque sorte un effet de rattrapage. Plusieurs facteurs expliquent l’engouement actuel. L’ensemble Lyon-Villeurbanne bénéfice d’un contexte favorable au plan géographique, car la ville est essentiellement plate, et au plan sociologique, car la part des cadres et des professions intermédiaires y est élevée et croissante et que c’est avant tout chez ces populations que l’usage du vélo se développe actuellement.
En outre, quatre effets principaux se combinent. Un effet de réseau : plus le réseau cyclable est important et maillé, plus le vélo se développe. Un effet de parc : plus l’offre est variée, plus la pratique augmente. Un effet d’entraînement : plus il y a de cyclistes, plus la pratique entre dans la norme. Et, finalement, un effet de sécurité : l’augmentation du nombre de cyclistes les rend plus visibles, apaise la circulation et justifie la création d’infrastructures.
Comment concilier urbanisation et développement du vélo ?
À condition de lui donner de la place, le vélo peut constituer un des modes de report depuis l’automobile et être un facteur de réduction des risques que la domination automobile fait peser sur les agglomérations (pollution de l’air, nuisances sonores, accidents routiers, ...). Il faut cependant faire attention à ce que la ville soit aussi plus égalitaire : aujourd’hui, le développement du vélo a tendance à renforcer les inégalités territoriales et sociales (il est plus facile de pratiquer lorsque l’on vit et travaille dans les quartiers centraux).
Comment le vélo peut-il s'inscrire dans une mobilité intermodale alors qu’émergent des conflits d'usage ?
Il semble relativement normal que l’évolution des mobilités se traduise par des conflits : les modes sont en concurrence et chacun doit prouver sa légitimité dans l’espace public. Les conflits d’usage sont forts avec les trottinettes, parce que le free floating [libre-service sans borne, NDLR] génère une privatisation de l’espace public et parce que la place de ces véhicules n’est pas encore normalisée dans le trafic. Trop souvent, les automobilistes ou les cyclomotoristes ont des comportements dangereux avec les cyclistes, moins par malveillance que parce que les cyclistes ne sont pas encore considérés comme tout à fait légitimes sur la chaussée.
(1) - La part modale désigne le pourcentage de déplacements réalisés avec un moyen de transport donné.