VILLEURBANNE 2022 - Sœurs, la chorégraphie qui fait danser le quartier des Buers

Découvrir et mieux comprendre un quartier en pleine transformation grâce à la danse comme forme de concertation citoyenne et pour imaginer la ville de demain, c’est l’idée audacieuse de la chorégraphe Julie Desprairies avec Sœurs. Un pari réussi !
Sœurs, la chorégraphie qui fait danser le quartier des Buers

Le 7 avril dernier, la météo était pluvieuse pour le premier des quatre jours de représentation de Sœurs, une co-production entre la Maison de la danse et la section danse-étude de l’INSA. Avec une trentaine d’autres personnes, des étudiants en management culturel à Lyon, intrigués par l’intitulé de « voyage chorégraphique » discutent dans le joli jardin de la Maison du citoyen. « J’ai hâte de voir ce qu’on va bien pouvoir nous présenter », lancent Carla et ses 20 ans. Soudain, des silhouettes colorées à la Jacques Demy se mettent à s’animer, au milieu des fleurs.

Sœurs, la chorégraphie qui fait danser le quartier des Buers

Puis la traversée urbaine démarre. Les danseurs emmènent les spectateurs dans les coulisses du quartier des Buers, slalomant entre des lieux encore à construire pour se finir dans le nouveau quartier des Sœurs, occupé jusqu’en 1993 par des Franciscaines. Le parcours fait le lien entre différentes strates architecturales et ses habitants: lotissement de petites maisons du 19e siècle, mosquée en travaux, barres HLM des années 60 en cours de rénovation, éco-quartier doté de jardins et d’équipements petite enfance.

Denise et Bruno sont là « pour découvrir de manière originale ce morceau de ville en cours de réaménagement et parce que la danse, c’est vraiment leur truc ». Dans une arrière-cour délaissée où des canapés s’entassent, les participants tombent sur le chant et les mouvements très doux d’une vahiné urbaine. Une scène aussi poétique que surréaliste. Ces moments seront nombreux au cours de la déambulation, comme ce joueur d’harmonica perché sur un mur entourant un terrain de boulistes bien caché, ou une cornemuse qui accompagne une danse folklorique, devant un terrain de foot. Des regards perplexes, amusés, suivent le cortège, qui grossit à chaque arrêt.

Sœurs, la chorégraphie qui fait danser le quartier des Buers


Des corps en mouvement pour parler d’une ville en mouvement

Autre surprise en passant devant les HLM du Pranard, les danseurs eux-mêmes s’adressent au public pour expliquer le travail d’embellissement de la rue du 8-mai -1945, le traitement des sols pour récupérer les eaux de pluie, etc. Instructif.

Tarek habite l’une des barres d’immeuble voisine, tout juste rénovée. Le chantier lui a paru long mais il se dit heureux du résultat. Le trentenaire a rendez-vous à République mais il est ému par la scène de liesse d’un pique-nique géant avec parasols, danse et guitare-voix qui s’étale sous ses yeux, dans une parcelle laissée vacante et pour laquelle Julie Desprairies, spécialiste de l’architecture et des scènes non conventionnelles, a imaginé de possibles nouveaux usages en concertation avec les riverains : « ça me rappelle des jours heureux de mon enfance ».

Sœurs, la chorégraphie qui fait danser le quartier des Buers

Le spectacle touche à sa fin, on retourne voir Cala : « Au début, j’étais dubitative, confie-t-elle. Ces mouvements répétitifs en pleine ville, c’est assez lunaire… Mais une fois la gêne passée, j’ai apprécié le rythme décalé et le propos. Maintenant, je me sens prête à toutes les expériences ! » « Moi, c’est l’inverse, rebondit Adeline. J’adore tout ce qui est étrange, j’ai donc immédiatement aimé. Notamment le passage dans un bar-PMU où huit danseurs virevoltent devant des clients médusés, courses de chevaux et discussions animées en guise de bande-son ! ». Denise et Nadine vivent à 10 minutes à pied mais n’étaient jamais venues jusqu’ici. Elles ont adoré que la vie des habitants du quartier se mêle à la partition de la chorégraphe et à sa vision de la ville mixte, durable et culturelle.

Au clap de fin, le cortège de départ a doublé de volume et les applaudissements sont enthousiastes. Surtout, tout le monde semble avoir oublié la pluie.

>> Plus d'infos sur le site "Villeurbanne, capitale française de la culture"

 

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