L’héritage d’un maître-tulliste dans les archives municipales du Rize

Henry, Jean-Louis, Martine, Paul-Étienne et Bruno Carrillon ont fait don de précieux documents hérités de leur père maître-tulliste, au Rize. Quelque 25 carnets d’esquisses, des documents techniques réalisés à la main permettant de transposer les dessins en cartes pour les métiers à tisser et différents échantillons de dentelles, témoins du savoir-faire villeurbannais et de l’histoire textile de la ville, rejoignent ainsi les archives municipales.
Archives famille Carrillon au Rize

Une partie de la collection de la famille Carrillon confiée au Rize

Fils d’un dessinateur en tulle, Étienne Carrillon a été maître-tulliste de 1918 à 1975. Après avoir dessiné des motifs pour les dentelles de Calais et les voilettes de grandes maisons de couture, il s’est mis à créer ses propres pièces de A à Z grâce à des métiers à tisser installés avenue Galline et rue Léon-Fabre. À sa mort, ses sept enfants ont stocké toutes les archives de sa société : ils font aujourd’hui don de cet héritage aux archives municipales du Rize, avec lequel ils ont collaboré pour l’exposition Ça se trame à Villeurbanne.

Pourquoi avoir choisi de faire don de ces documents aux archives du Rize ?

Famille Carrillon - Il nous semblait important de pérenniser cet héritage en permettant à des professionnels de les traiter et de les montrer au grand public, plutôt que de risquer de tout perdre. C’est aussi un moyen de faire vivre le souvenir de nos parents après nous, et avec lui celui d’une époque villeurbannaise. Et puis nous avons déjà vu l’exposition plusieurs fois : c’est tellement émouvant de voir exposé devant soi un morceau de l’histoire familiale !

 

Archives famille Carrillon au Rize

 

Archives famille Carrillon au Rize

Documents réalisés à la main pour procéder à la mise en carte des croquis

Quels souvenirs gardez-vous de l’activité de votre père ? 

Henry Carrilon - Notre père à toujours habité et travaillé à Villeurbanne, et nous on a grandi dans le quartier des Charpennes. On le voyait dessiner tout le temps, partout, sur le moindre recoin de table, sur une serviette dans un restaurant… Partout !

Martine Carrillon - Je me souviens particulièrement du tulle blanc immaculé qui contrastait avec la noirceur des machines et des ateliers. 

Jean-Louis Carrillon  - Oui parce que pour permettre le bon fonctionnement des métiers à tisser et le mouvement des bobines, il fallait huiler les chariots*. Pour cela on utilisait de la mine de plomb, mais ça laissait du noir partout ! Le tulle était ensuite nettoyé pour retrouver sa couleur blanche.

*des milliers de bobines, dans lesquelles sont intégrés les fils, équipent un métier à tisser. Elles sont montées sur des chariots dont le mouvement permet le tissage de la dentelle, ndlr.

 

Archives famille Carrillon au Rize

Échantillons de dentelle et voilette faisant partie de la collection de la famille Carrillon

Quels types de pièces Etienne Carrillon réalisait-il ?

Famille Carrillon - Il travaillait avec le tulle et la dentelle et il était spécialisé dans la voilette, un savoir-faire très particulier parce que très délicat, pour lequel il était particulièrement reconnu en France.

Il avait commencé par le dessin, puis il a maîtrisé toutes les étapes de la conception, la réalisation des cartes, l’ourdissage qui consistait à disposer les fils dans le bon ordre sur le métier à tisser, le tissage… Il travaillait sur ces grandes cartes quadrillées que l’on appelait “papier barème” et sur lesquelles il traçait les cheminements des fils. Il y avait dix métiers à tisser pour l'indémaillable dans ses ateliers avenue Galline, et trois métiers à dentelle rue Léon-Fabre. Notre mère, Marthe, avait travaillé quelque temps avec lui comme dessinatrice. Elle a abandonné ce métier à la naissance des enfants. Quelques années plus tard, notre sœur Janine a travaillé à son tour avec notre père comme dessinatrice..

On se souvient tous de cette pièce dont il était particulièrement fier : il avait réalisé un bas de voilette représentant des papillons, un motif extrêmement technique !

D’après vous, qu'est-ce qui a entraîné la fin de cette activité textile à Villeurbanne ?

Famille Carrillon - C’était déjà la fin d’une époque, tout simplement, la fin d’une mode et aussi de méthodes de travail qui n’étaient pas très encadrées ni sécurisées. Mais lorsque notre père a liquidé son entreprise, il nous avait demandé de conserver tous ses échantillons, toutes ses collections, parce que selon lui et selon notre mère aussi, “la mode pouvait revenir”. En tout cas aujourd’hui nous sommes heureux d’avoir conservé ces précieuses archives pour partager ce bout d’histoire.

 

Etienne Carrillon maître-tulliste

Étienne Carrillon dans ses ateliers villeurbannais avec deux de ses clients © Famille Carrillon - Exposition Ça se trame, Le Rize

 

« Ça se trame » au Rize

Vous pouvez découvrir une partie de la collection de la famille Carrillon et l’histoire de l’industrie textile à Villeurbanne en visitant l’exposition Ça se trame à Villeurbanne au Rize jusqu'au 30 septembre. Et pour en savoir plus, découvrez le deuxième épisode du podcast Sauce Samouraï, avec Anne-Marie Doledec, responsable des exposition, et Philippe Nicolan, dirigeant de l'entreprise textile La Plastose :

 

Le Rize

> 23-25 rue Valentin-Haüy

> Entrée libre et gratuite : du mardi au samedi de 12 h à 19 h ; jeudi de 17 h à 21 h

>> Contact : lerize@mairie-villeurbanne.fr ou 04 37 57 17 17 

 

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