DOSSIER "Auprès des séniors pendant l'épidémie" - Formateur, chargée de mission Sport, agent administratif... ils organisent aujourd'hui le portage des repas

Ils ont accepté de changer de métier pour venir en renfort au service en charge du portage de repas. Face à la charge de travail accrue en période de confinement, Daniel, Camille et Max-Pol ont rejoint la Maison des Aînés pour assurer le standard, remplir les dossiers, organiser les tournées... et parfois porter eux-même les repas. Ils témoignent.
Daniel, Camille et Max-Pol (de gauche à droite) dans leur bureau provisoire de la Maison des Aînés.

Daniel, Camille et Max-Pol (de gauche à droite) dans leur bureau provisoire de la Maison des Aînés (Photo : Marianne Pollastro)

Daniel : " On voit des gens qui sont parfois en difficulté, qui sont isolés "

Photo : Marianne Pollastro

Daniel est responsable de la formation du personnel à la direction des Ressources humaines de la ville de Villeurbanne. Dès le début du confinement, il a été sollicité pour apporter un renfort au service du portage de repas à domicile, qui dépend du CCAS (centre communal d'action sociale.

Pouvez-vous nous expliquer vos nouvelles missions ?

Nous sommes à la cellule administrative qui gère le portage de repas depuis la Maison des Aînés. A partir du 18 mars, nous avons constitué les dossiers des personnes qui demandent à bénéficier du service de portage de repas à domicile. Avec le confinement, il y a eu 150 personnes en plus à demander ce service. En général, on nous informe qu'une personne souhaite bénéficier du portage de repas. On les rappelle et on constitue un dossier papier et informatique. Un logiciel permet de déclencher les repas en fonction des jours souhaités par les personnes. On apporte aussi des réponses sur les interventions, sur des évènements précis comme par exemple quand une personne est hospitalisée, donc à ce moment-là on va suspendre le repas. On a des personnes qui rappellent parfois parce qu’elles ne se souviennent plus si elles ont un repas aujourd’hui ou pas. C'est un travail enrichissant qu’on découvre, on voit des gens qui sont parfois en difficulté, qui sont isolés, c’est aussi l’occasion d’échanger avec eux.

Des gens qui avaient 1 ou 2 repas livrés dans la semaine ont aussi demandé une extension du service pour ne pas avoir à sortir ?

Le minimum, c’est 3 repas par semaine, parce qu’il y a une fonction de veille sociale dans la distribution. Les porteurs passent régulièrement, cela permet de voir si les gens vont bien. Pas plus tard que ce matin, on a eu des gens qui ne répondaient pas. Parfois la personne s’est endormie ou elle a du mal à entendre. A ce moment-là, j’appelle chez eux. Si la personne ne répond toujours pas, on a les coordonnées de proches que l'on appelle. Il y a quelques jours, on a été jusqu’à appeler les pompiers. La personne était là, mais dans une autre pièce : ce n’est qu’à l’arrivée des pompiers qu'elle a finalement ouvert. J’ai eu une situation compliquée hier, une personne qui m’appelle lundi matin pour constituer un dossier, parce qu’elle était tombée quelques jours avant et qu’elle ne voulait plus sortir. Je fais ce dossier et le lendemain elle m’appelle et me dit « Je ne sais pas si je vais prendre le repas aujourd’hui parce que je suis vraiment très mal, j’ai craché du sang toute la nuit, j’ai une forte douleur ». On lui a demandé d’appeler les pompiers, ce qu’elle a fait et qu'on a vérifié. Les pompiers sont venus la chercher, j’ai su par un proche qu’elle était toujours aux urgences du Médipôle. La fonction de veille sociale est vraiment importante.

 

Camille : "On a eu une augmentation de 30% "

Photo : Marianne Pollastro

Camille est habituellement chargée de mission sur le projet "En forme à Villeurbanne". Elle aussi est actuellement en renfort au service portage de repas du CCAS.

Vos missions, comme Daniel , sont au plus près des besoins des séniors ?

C’est ça, avec tout ce qui est administratif sur le portage de repas, avec l’organisation des tournées, et notamment des nouvelles tournées mises en place depuis le début du confinement. Il a fallu répondre à la demande car on a eu une augmentation de 30%. Il a fallu organiser ces tournées avec des renforts pour les livreurs de repas. J’ai aussi fait quelques tournées, ça dépend des jours et des besoins. Mais globalement, je suis plutôt sur le côté administratif. Pour les bénéficiaires, Il y a eu de nouvelles demandes avec des personnes qui sont en difficulté dans leur vie quotidienne et qui ont été affolées par la situation. Certaines personnes nous ont expliqué qu’elles se sentaient vraiment isolées. C’est du déclaratif, on ne connait pas leur situation réelle, mais effectivement, le fait de ne pas pouvoir sortir ou faire ses courses, c'est angoissant. Surtout que les proches de ces personnes pouvaient moins s’en occuper qu’habituellement...

A titre personnel, puisque ce n’est pas votre métier, qu'est-ce cela vous a apporté ?

C’est intéressant de découvrir un autre service. de voir tout ce que fait la Ville et le CCAS sur ce sujet. Mais aussi de travailler avec d’autres collègues, que l'on pouvait parfois croiser avant, dont on a pu entendre les noms et, là, on passe du temps ensemble : c’est enrichissant. Il y a ce sentiment de se rendre utile, c’est important. Je préfère largement être là à aider que de rester chez moi.

 

Max-Pol : "Écouter au mieux leurs besoins et leurs demandes"

Photo : Marianne Pollastro

Max-Pol est agent administratif à la Maison du livre, de l'image et du son de Villeurbanne, affecté à l’accueil central. Il a été appelé le 18 mars à la Maison des Aînés pour un renfort administratif qu'il a immédiatement accepté.

Votre nouvelle mission est loin de votre univers habituel ?

Plus ou moins. J'ai habituellement des missions d'accueil et administratives à la MLIS. Actuellement, mon quotidien est le suivant : recevoir les appels et remplir le dossier administratif du futur bénéficiaire, vérifier qu’il sera bien possible de fournir les justificatifs nécessaires et puis écouter au mieux leurs besoins et leurs demandes.

Justement dans les demandes, il y a parfois des gens qui sont vraiment seuls : cet appel-là est important ?

Oui parce qu’ils sont dans une grosse inquiétude, parce qu’avec le confinement ils ne peuvent plus sortir, qu’ils ont des proches qui les aidaient mais qui ne sont plus disponibles parce qu'eux-mêmes confinés, donc ils ont des inquiétudes. On essaye déjà de les rassurer et de trouver des solutions pour les livrer le plus rapidement possible. C’est pour ça qu’il y a des tournées qui ont été organisées en plus l’après-midi.

Les tournées, c’est parfois les seuls contacts qu’ils ont dans la semaine ?

Oui et c’est important aussi pour nous. On a d’ailleurs assuré des portages avec Camille , ça nous permet de voir les bénéficiaires, de voir comment ils vont, de s’inquiéter de leur santé et de vérifier qu’il n’y a pas de problème, de voir aussi s’ils ne sont pas trop isolés.

On imagine que c’est un contact qui est assez rapide ?

Actuellement, avec le nombre important de demandeurs qui s’est greffé sur la tournée habituelle, c’est très difficile. Ça permet de vérifier visuellement que les gens sont là et que tout va bien. Après, par rapport à nos appels, on peut voir où il y a un danger potentiel et à ce moment-là on redirige vers le service du soins infirmiers à domicile (SSIAD) de la Maison des Aînés.

C'est une expérience forte ?

C’est une belle expérience professionnelle et humaine, que ce soit avec les personnes avec qui on est en contact, ou avec les personnes avec qui on travaille.

 

A lire aussi dans le dossier "Auprès des séniors pendant l'épidémie" :

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- Introduction dans les Ehpad

- Le Ssiad en première ligne

- Témoignage : infirmière scolaire, elle a choisi d'aider en Ehpad auprès de personnes dépendantes

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- En résidence confinée

 

 

 

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